À ceux qui ont perdu la vie et à ceux qui les pleures.
À ceux qui ont tout tenté pour sauver des vies, au
péril de la leurs.
Comme ça de prime abord, ce récit pourrait passer pour une fan fiction de
"Bienvenue à Zombieland", enfin, les zombies en moins.
Si je vous raconte
l'histoire d'un geek asocial qui est confiné pendant une pandémie mondiale,
c'est bon, vous faites le lien?
Alors évidement, pas de zombie, pas de "double
tap", cependant quelques règles de survies similaires sont à observer. Comme
la numéro 1, non pas celle qui interdit de parler du fight club...vous savez celle qui dit qu'il est vital d'avoir un bon cardio. Évidemment, ce n'est
pas pour les mêmes raisons avec le coronavirus. Mais si vous avez une
mauvaise condition physique, une mauvaise immunité ou une pathologie
particulière, vous finirez comme les cadavres qui s'entassent dans les chambres
froides. Tout bien considéré, je reviens sur ce que j'ai dit sur les
zombies.
Quand on y regarde de plus près (attention à la distanciation
sociale!) dans ma réalité, les infectés sont majoritairement des personnes
âgées.
Sans vouloir manquer de respect aux morts, on peut facilement faire
le parallèle. Simple constat.
Y a qu'a les voir errer et déambuler dans les
supermarchés, plusieurs fois par semaine avec leurs chariots de course qu'ils
trainent derrière eux, comme si rien n'avait changé.
À utiliser leurs pièces
de monnaie au lieu de payer par carte en sans contact (tout est dans le nom) ou
mieux de se faire livrer.
Non, à la place, ils préfèrent venir faire leurs
courses aux heures de pleines affluences, dans la cohue à la recherche d'un
semblant de vie sociale.
Ils semblent ignorer que s'ils meurent, personne ne
viendra à leurs funérailles.
Et pendant que les hystériques se ruent sur les
étalages, se disputent les derniers rouleaux de papiers toilette, boites de
conserves, paquets de pâtes et œufs.
À n'en pas douter, ce sont les mêmes
qui s'écharpaient pour du Nutella il y a quelques mois de ça.
Maintenant, ce
sont aussi eux que l'on voit se presser avec leurs chariots remplis de papiers
toilette et de coca comme si une épidémie de gastro les menacer.
N'ont-ils
rien compris au symptôme du coronavirus? À moins qu'ils ne soient tellement
terrifiés qu'ils s'en chient dessus?
Dans ce cas, je leur suggère de
reporter leurs attentions sur les alaises et les couches pour adultes.
Et
encore que là aussi, il se seraient capable de foutre sur la gueule des petits
vieux.
Ces personnes âgées que l'on retrouve non loin des surgelés - ça sera
pour plus tard - aux rayons fruits et légumes en train de mettre leurs petites
mains pleines de microbes préhistoriques sur les clémentines. À les voir les
farfouiller, les tâter comme si c'était les boules numérotées de la tireuse d'un
loto macabre. Ou comment passer directement au service réanimation d'un
hôpital, sans passer par la case EPHAD. Ça fera moins de retraites à payer,
c'est les technocrates de Bercy qui doivent se frotter les mains (avec du gel hydroalcoolique?).
Sans transition, l'économie est devenue un vecteur indirect de transmissions
virales. Ce n'est pas un argument pour risquer la vie des gens.
Puisque c'est
à cause d'elle que tant de pays ont eu du mal à fermer leurs frontières et à
prendre des mesures de confinement strictes.
Retrouver leurs souverainetés
élémentaires pour préserver la santé de ses citoyens.
De mes fenêtres
qu'elles soient réelles ou virtuelles, je peux observer tout ce beau monde plein
de civisme et d'humanité.
Il y a les confinés qui respectent les règles
sanitaires et les cons finis qui font n'importe quoi.
Le plus drôle, c'est
que ce seront ces mêmes gens qui viendront pleurer aux urgences et s'énerver que
leurs prises en charge ne sont pas assez rapides.
Mais il ne faudrait surtout
pas qu'on empiète sur leurs petites libertés.
D'ailleurs, il y a ceux qui
devraient être enfermés et qui pourtant sont dans les rues.
Les voleurs et
revendeurs de masques sous le manteau, et pire encore, ceux qui les achètent à
ces gens. C'est sans compter sur les opportunistes qui trouvent toujours une
bonne occasion de faire de l'argent sur la misère d'autrui.
Ceux qui
augmentent leurs prix pour leur propre profit. C'est sur, la vie ainsi a quelque
chose de plus...écœurant!
N'oublions pas les tueurs politiques, ceux qui
conseillent l'immunité collective. Vous voulez mon avis? Ce sont eux, les super contaminateurs.
Et bien sûr, les tueurs négligents, ceux qui se pensent
immunisés et se fichent bien de prendre leurs précautions pour ne pas infecter
les autres.
Vous comprenez maintenant, pourquoi je me décris comme un geek associable? Je vous avais pourtant prévenu...
Enfin je ne suis pas non plus
misanthrope, j'aspire aussi à un peu de chaleur humaine.
Le confinement n'a
pas changé grand-chose du côté des sites et applis de rencontre.
Au début je
ne cache pas que j'ai eu un petit espoir lorsque le phénomène a poussé les
adeptes du ghosting à se manifester sur leurs comptes.
Car avec plus de temps
et rien de mieux à faire pour tromper l'ennuie, elles répondaient plus
rapidement.
Hélas, j'ai vite déchanté en me rendant compte que ces personnes
n'avaient soit rien à raconter, soi était des prostituées ou des brouteurs
africains.
Pour le reste, toujours les mêmes têtes, entre la future vieille
fille avec ses chats, la cassos mère de 4 enfants de 4 pères différents et la
sociopathe en devenir.
En bref, vous l'avez compris, le choix est
difficile.
D'après vous, comment je vis le confinement? Plutôt bien je dirais pour un
mec qui fait un monologue.
Soyons honnête, ça revient presque à parler tout
seul, mais à l'écrit.
Pour répondre à ma propre question, je dirais qu'étant
à la base un geek associable, j'aurais pu ne pas remarquer avant un bout de temps
que le pays tout entier était confiné, enfin si je n'avais pas regardé les
infos.
On ne va pas se mentir, mon quotidien n'a pas vraiment changé, je
reste toujours autant de temps devant mes écrans.
L'envie de sortir profiter
de l'air - presque redevenu - pur ne va pas me venir maintenant que cela m'est
interdit ou limité.
Je ne vais pas non plus me découvrir une soudaine passion
pour le running ou la marche nordique. Vous savez ce "sport" complètement con
avec des bâtons!
Et puis, ce n’est pas comme si quelqu'un en avait quelques
choses à foutre hein?
Seuls mes parents prennent de mes nouvelles.
De tous
mes amis, aucun ne m'appelle, c'est un peu navrant à la longue d'être toujours
celui qui le fait donc j'ai décidé d'arrêter.
Moi aussi, j'ai une vie
tellement prenante que j'en oublie le monde autour.
À croire qu'ils ont tous
des téléphones avec abonnement bloqué, un putain de crédit limité comme ce qui
se faisait quand on était ados.
C'est aussi ça l'une des grandes désillusions
de la trentaine, si vous ne faites pas de gosse, que vous n'êtes pas
millionnaire alors vous vous retrouvez sur la touche.
Tout le monde avance
dans sa petite vie sans se retourner ni regarder derrière lui.
Et le calme de
ma résidence ne saurait me le rappeler/faire mentir.
Ce silence
symptomatique du vide autour de moi, quand je joue aux jeux vidéo un casque
audio sur les oreilles ou dans le métro avec des écouteurs.
Vous vous
retrouvez dans ce que je dis? Alors j'imagine que je ne suis pas le seul dans ce
cas, mais attention, nous ne sommes pas ensemble pour autant.
Dans votre
petit appartement parisien, personne ne vous entendra crier. Vous êtes comme
Ripley et son chat dans sa capsule de survie à dériver seuls dans
l'espace.
Le hic, c'est que je n'ai pas de chat non plus, je ne saurais m'en
occuper. Parfois je me dis que je suis encore un ado.
Et c'est en observant
ma voisine du rez-de-chaussée - une dame âgée avec son chat - en train de
jardiner tranquillement que je m'aperçois que cette référence lui siérait mieux
à elle qu'à moi.
La pauvre doit vachement se sentir seule et isolée en ce
moment. C'est à ça que ressemble de vieillir en région parisienne.
Ça ne
m'étonne pas qu'on retrouve régulièrement des cadavres momifiés ou partiellement
dévorés par leurs yorkshires dans leurs appartements.
J'avais lu quelques
parts que la solitude est plus meurtrière que l'obésité et presque aussi que le
tabagisme.
Tout ça, me fait réaliser que je ne connais même pas son prénom, à
peine son Nom et c'est parce qu'il écrit sur la boite aux lettres.
La triste
vérité, c'est que je ne connais pas mes voisins.
Est-elle veuve sans enfant
ou simplement une vieille fille, qui sait? La gardienne peut-être...et
encore.
Quoiqu'elle en soit, son jardin est bien entretenu, et heureusement
vu le temps qu'elle y passe dedans.
Les arbres ont retrouvé leurs feuillages,
les oiseaux sont revenus, c'est le printemps me direz vous.
Depuis que le
confinement à commencé, la planète semble se porter mieux en l'absence
d'activité humaine et ce n'est pas un hasard!
Venise a retrouvé la couleur de
ses eaux et ses poissons. On à pu observer le retour de la faune sauvage dans certaines
villes comme ce puma à Santiago du Chili ou des sangliers dans Barcelone.
Il est nécessaire de le rappeler, si on en est là, c'est entre
autres à cause de ses putains de chinois qui braconne et mange tout ce qui
respire! Que ce soit pour leurs supposé propriété aphrodisiaque ou leurs saveurs /gastonomique culinaire douteuse.
Enfin, s'il n'y avait qu'eux, hélas, les gens de par le monde
continuent de manger de la viande matin midi et soir (peut être même au gouter
pour certains),
de rouler en ville avec des putains de SUV, de fumer des
cigarettes, de s'acheter des putains de nouveaux téléphones 5G etc.
À croire
que se balader avec un compteur linky collé à l'oreille serait bon pour la
santé!
Et comme une punition divine, nous voilà contraints de nous confiner
alors que les beaux jours sont là. La (la?) température à augmenté, le ciel est
dégagé comme rarement en région parisienne, sans nuages de pollution ou de
précipitation.
D'apparence cela pourrait sembler agréable, mais ce serait
oublié qu'il y a un côté pervers/trompeur à toute chose. Cette chaleur
estivale avec cet air de/a nouveau sain était chargé en pollen venant asphyxier
les asthmatiques.
La nature en reprenant ses droits nous envoyait par la
même occasion un énième avertissement.
Une injonction subtile pour inciter
les plus fragiles à rester chez eux.
L'espace d'un instant, on se croirait
dans une version 2020 du film "Phénomène" de M Night Shyamalan ou n'importe quel
film de Roland Emmerich.
Un scénario catastrophe dans lequel on peut sans
surprise déjà prévoir le prochain rebondissement : une putain de canicule.
En
d'autres termes, nos vieux ne sont pas à l'abri d'une vague de chaleur
meurtrière.
C'est très cynique ce que je m'apprête à écrire, mais avec un peu
de recul je pense qu'on paye le prix d'une génération de boomer qui a tout eu et
tout gaspillé.
Résultat on se retrouve avec ce monde à l'agonie...finalement
ils ont peut être ce qu'ils méritent au fond : mourir en premier.
Attention,
que l'on soit bien d'accord, loin de moi l'idée de vouloir du mal à ma petite
vieille de voisine.
Vous vous demandez surement ce que je suggère pour changer tout ça?
Non
parce que dénoncer ça va bien 5 minutes, mais il faut aussi proposer des
solutions à la hauteur du problème. Histoire d'avoir un débat
constructif.
Tout d'abord, je ne pense pas que l'effort doit venir uniquement
des grandes industries (pétrochimique, textile, agroalimentaire) et des
politiques.
Nous, citoyens avons une capacité/force d'influence et l'a
sous-estimons gravement.
En tant que consommateur et électeurs, nos choix
conduisent aux décisions qui sont prises. Il y a l'offre et la demande.
C'est
aussi simple que ça.
Personnellement, je me définis comme un écolo de droite
totalitaire. Moins de liberté, plus d'égalité.
Dans un monde idéal, chacun
aurait une consommation raisonnée et éthique, mais nous savons tous que ça
n'arrivera jamais.
Je crois que l'humanité à besoin de règle pour devenir
rationnelle, au lieu de ça, c'est la nature qui se chargera de rétablir
l'équilibre comme c'est malheureusement le cas aujourd'hui.
Pour cela,
faut-il encore que les contraintes imposées par des lois soient suffisamment
strictes pour être respecté.
C'est pourquoi je pense que tout à chacun
devrait être assujetti à un pacte citoyen annuel.
Je m'explique : imaginez
devoir faire des choix de consommation annuels pour ne pas dépasser un quotient
personnel CO2.
Que choisiriez-vous ? Pouvoir consommer 50 kg de viande ou
partir 1 fois en vacances à l'étranger avec des vols longs courriers
?
Posséder une voiture ou prendre les transports et le vélo?
Évidemment,
cette simple mesure ne suffirait pas.
Il faudrait ajouter à ça la régulation
et répartition stricte de la population (démographie) par le contrôle des
naissances avec la mise en place d'un permis de procréer (après tout il faut
bien un permis de travail, permis de conduire et un permis de construire) sous
certaines conditions médicale, financière et psychologique.
Ainsi que la
généralisation des circuits courts, la permaculture et proscrire l'utilisation
des pesticides et de produit ménager chimique.
Ou d'autres normes encore
comme l'interdiction d'extraire du gaz de schiste, l'harmonisation des systèmes
de chasse d'eau avec de l'eau non potable, recyclage et compostage obligatoire,
la réétude complète de l'espace public et la géothermie des villes...
Vous
voyez, les idées de mesures facilement applicables ne manquent pas, seule la
volonté semble être absente des tables de négociations.
Arrêtez-moi si je me
trompe, mais "se rationner", c'est ce qu'on fait en temps de guerre non ? Et
c'est bien ainsi que la crise sanitaire est qualifiée par les
politiques.
Alors qu'attendons-nous pour agir concrètement?
Si nous ne
prenons pas de décisions fortes, nous finirons par nous éteindre d'une façon ou
d'une autre. L'humanité est une menace pour elle-même et les autres
espèces.
Comme un certain Albert Einstein a dit « Trois bombes menacent le
monde: la bombe atomique, qui vient d’exploser, la bombe de l’information, qui
explosera vers la fin du siècle, la bombe démographique, qui explosera au siècle
prochain, et qui sera la plus terrible. »
Maintenant, libre à vous
d'interprétez ce que je viens d'écrire comme le manifeste d'un végan
extrémiste.
N'oubliez pas cependant que si vous avez préféré ignorer les
causes jusqu'à présent, vous ne pouvez pas prétendre en ignorer les conséquences
plus longtemps.
PUTAIN! Voilà que je me mets à parler tout seul comme un
méchant de James Bond!
Et puis il est bientôt 20h, il faut que je prépare
pour mon show quotidien.
Ce soir, j'ai choisi d'interpréter une reprise de Green Day, avec comme à
chaque fois, quelques ajustements sur les paroles. Histoire de
contextualiser avec un peu de sarcasme et de ramener un peu de légèreté dans le
voisinage le temps d'une chanson. J'ajuste les réglages de l'ampli, monte le
volume de ma guitare et entonne le début de "Wake me up, when quarantine
ends".
Au fil de la chanson, je gagne en assurance, si bien que je m'aventure
à regarder ailleurs que mon manche et la première chose que je vois c'est le
sourire de ma voisine d'en face.
Cela me trouble momentanément, je fais un
pin, mais parvient à reprendre sans m'arrêter en espérant que personne ne l'est
entendu. Les applaudissements m'accompagnent et me déstabilisent parfois dans
le rythme, mais ils ne sont pas pour moi.
Ils sont pour le personnel
soignant, les chauffeurs routiers, les femmes de ménage, les policiers, les
caissières, les pompiers, les éboueurs. Mais ce magnifique sourire, il m'est
bien adressé, rien que pour moi.Et dire que les moments qui rassemblent
(comme celui-ci) sont si rares ici, même le 14 juillet n'est plus aussi
fédérateur. J'essaie de me souvenir de la dernière fois ou c'était le cas, ce
devait être le 15 juillet justement, pour la victoire en finale de l'équipe de
France de football.
20h05, tout le monde ferme sa fenêtre puis retournent à
ses occupations et quant à moi c'est à ma solitude geek. Je n'ai pas le gout
de jouer alors je me pose devant Netflix.
Mentalement, je dresse mon top
film pandémie/confinement :
- Contagion
- Alerte!
- take shelter
-
It comes at night
- 28 semaines plus tard
- L'armée des morts
- 10
Cloverfield Lane
- Shinning
- L'armée des 12 singes
J'opte pour le
dernier de la liste, si le film était basé sur ce qu'il se passe, il devrait
s'appeler l'armée des douze pangolins! C'est dingue comme le film fait écho à
ce qui se passe dans notre monde, la fiction rejoint la réalité dans
l'horreur. Au début on parlait juste d'un virus transmis de l'animal à
l'homme et voilà que maintenant on envisage sérieusement la piste du laboratoire
chinois de Wuhan.
Quel retournement de veste!
Ce sont les complotistes qui
doivent jubilés qu'on leur donne finalement raison ou du moins que l'on prend en
considération sérieusement leurs théories habituellement/généralement jugées
fantaisistes.
Sinon quelqu'un a des nouvelles des anti-vaccins ? On ne les
entend plus. Probablement mort.
Tout comme les survivalistes, surement en
train de se savourer une bonne boite de conserve dans leurs bunkers. Auraient
ils assez d'humour pour accompagner leurs repars d'une petite bière Corona
?
Je ne vais pas leur jeter la pierre, il faudrait être inconscient pour ne
pas se sentir préoccupé par l'actualité. Une longue succession d'événements
apocalyptique (guerres, cataclysmes naturels et maintenant pandémie) que l'on
pourrait volontiers retrouver dans le Nouveau Testament.
On est à trois
claquements de doigts de notre extinction en tant qu'espèce.
Il suffirait
d'un tremblement de terre, d'un tsunami, d'une éruption volcanique, d'incendies
ou un incident provoqué par l'homme comme une fuite dans une centrale nucléaire,
d'une marée noire et j'en passe. Ce ne sont pas des peurs irrationnelles,
mais des probabilités. Nos survivalistes s'informent de trop jusqu'à basculer
dans la paranoïa quand d'autres choisissent de faire les autruches.
Mais ils
ont tout de même un point commun, leurs gouts pour l'enfouissement.
Nouveau jour de confinement et je ne sais même plus quelle date on est
déjà.
En me regardant dans le miroir, j'envisage sérieusement à me raser le
crâne, peut-être une influence du film de la vielle. Je réalise que si je
fais ça, la seule différence que j'aurais avec un détenu d'une prison française,
ce ne sera pas le confort moderne de mon appartement avec téléviseur, console de
jeu derrière génération et internet. Non, tout ça il l'on déjà dans leurs
petites cellules parfois plus grandes que certains appartements parisiens.
Et donc la seule différence, c'est que le prisonnier au moins sait quand il
va sortir et retrouver sa liberté. De ma fenêtre, toujours, j'observe mon
petit monde en fumant ma clope(?), un peu comme dans fenêtre sur cour sauf que
je n'ai pas une jambe dans le plâtre ni de jumelle. Manquerait plus que je
passe pour un pervers.
Et il suffit que je dise ça pour que la jolie voisine
d'en face passe par là avec son chien en me souriant. Bizarrement depuis le
confinement, elle semble plus réceptive, alors qu'avant, quand on se croisait
pour récupérer le courrier, jeter les poubelles ou même si elle fumait une
cigarette sur son balcon, elle m'ignorait poliment. Était-ce par timidité ?
Je ne sais pas et je le suis moi-même bien trop pour le lui demander. Ça me
fait penser qu'il faut que je trouve quelle chanson je vais chanter ce
soir.
En regardant la TV, je plaque quatre accords sur ma guitare et tombe
sur des images d'une centaine de voiture formant une longue file d'attente pour
le drive d'un Macdonald. Apparemment certains ont fait jusqu'à 3h de queue au
macdo, à croire qu'un dépistage ou un vaccin était vendu au
comptoir.
Inconsciemment je me rends compte que les accords que je joue en
boucle depuis tout à l'heure sont ceux de la chanson "If it makes you happy" de
Cheryl Crowe. Je fredonne la mélodie en arrangeant les paroles pour coller
avec l'actualité.
Tout cela m'inspire une idée pour une histoire. Mon cerveau
entre en ébullition et je prends des notes sur un bloc note.
Pour passer le
temps, j'aime bien inventer des récits, écrire des nouvelles, enfin, en plus de
celui que je vous raconte en ce moment même.
Et donc là, le concept de cette histoire serait celui d'un virus très étrange
qui vous tue instantanément si vous mentez.
Je vous passe les détails
médicaux et techniques, mais en gros le mensonge solliciterait une minuscule
partie du cerveau des infectés asymptomatiques ce qui aurait pour conséquence la
compression fatale de la cage thoracique et du larynx.
Une sorte de mort
subite de l'adulte.
Cette maladie fictive s'appellerait "Mysantropia
degenerea Hypocrisia" et comme une idée, elle se propage plus vite que toute
autre chose.
Un diagnostic du virus compliqué et une identification tardive
de la maladie causeraient un nombre de victimes considérable au début de
l'épidémie.
Les politiciens seraient les premiers à mourir, suivi des
avocats, des banquiers, des assureurs, des astrologues, des numérologues, des
prêtres et des journalistes.
Aussi, beaucoup de gens préféreraient se
suicider plutôt que de dire la vérité.
Une fois le cadre posé, l'histoire se
concentre sur un personnage : un jeune homme qui se sait porteur du virus et
contamine tout le monde sur son passage.
Il se baladerait, toucherais les
gens dans le métro et même un bébé.
Un camé rentrerait alors dans la rame en
débitant son discours habituel pour réclamer de l'argent aux usagers.
En lui
donnant une pièce, il demande au SDF si c'est pour s'acheter de la drogue, ce
dernier ment et s'effondre immédiatement.
Par la suite, il aurait un projet
de plus grande envergure, il voudrait participer à un congrès/meeting politique.
Là bas, il serrerait des mains à tout va, avec un grand sourire psychotique
et irait même jusqu'à poser une question fermée à l'auditoire (ou au
président?).
Cette simple question fait peser les soupçons sur lui et
créerait un mouvement de panique.
Finalement arrêté par la police dans sa
folie meurtrière, il est conduit dans une salle insonorisée ou il est
interrogé.
S'en suit alors une partie mortelle de "ni oui, ni non" ou même la
plus anodine des questions (par exemple : "êtes-vous contaminés?") représente
une menace.
Comme si l'enquêteur lui braqué rhétoriquement un flingue sur la
tempe.
Afin de cacher son sombre projet et éviter de tomber dans un piège, le
jeune homme préfère rester silencieux jusqu'à son procès.
Que ce soit pour
mourir maintenant ou sur la chaise électrique, tant qu'à faire, autant gagner du
temps.
Une autre idée me vient alors, et si j'inventais un virus qui s'attaque non
pas aux plus fragiles physiquement (vieux, gros et asthmatiques) ni aux
menteurs, mais cette fois au plus précaire.
Pas économiquement, mais
intellectuellement, les imbéciles, les idiots quoi.
Imaginez maintenant un
test de dépistage qui consisterait en une opération de mathématique simple, un
problème de logique ou même une devinette.
Cette suractivité cérébrale
soudaine et inhabituelle chez l'infecté provoquerait d'abord un saignement de
nez pouvant entrainer jusqu'à une liquéfaction totale du cerveau.
En cas de
réponse fausse, il serait directement pris en charge et placé en quarantaine par
les autorités sanitaires.
Quand bien même, une telle maladie existerait cela
ne serait pas nécessaire pour décimer les plus bêtes d'entre nous.
Ils le
font déjà très bien tout seuls. La sélection naturelle ne chaume pas pendant le
confinement et les exemples comme les candidats au "darwin award" ne manquent
pas.
En premier lieu, les imbéciles qui se sont rués inutilement pour faire
les courses le premier jour créant une pénurie artificielle et risquant
d'attraper le virus en allant s'entasser dans les magasins.
Dans une autre
catégorie, vous avez aussi eux qui se sont empoisonnés à la Chloroquine ou en se
lavant les dents à la Javel.
J'en reviens à ma chanson du jour, il faut que j'accorde ma guitare et
m'installe sur ma fenêtre pour 20h. En face, sur son petit balcon j'aperçois
ma jolie voisine qui attend...je l'espère la même chose que moi. "Cette
chanson est dédiée à toutes ces personnes courageuses qui ont la patience
d'attendre 3h au drive d'un fastfood!" Non sans un petit trac, je commence à
jouer le morceau avec ma couronne en carton de Burger King. Au refrain, je la
vois qui fredonne avec moi les paroles :
"If it makes you fluffy,
You can
be that fat,
If it makes you fluffy
Then why the hell you go to
macdonald's."
"If it makes you hungry,
You can eat a hat,
If it makes you
hungry,
Then why the hell you don't eat salads"
Cette fois en plus d'un beau sourire, j'ai droit à un message sur une
ardoise.
Le hic c'est que même si on a un gros vis-à-vis, j'ai du mal à lire
ce qui est écrit dessus.
Je crois déchiffrer "Passe moi ton sel", mais je dois me tromper,
ça ne veut rien dire.
Pour lui répondre j'utilise ma tablette, mais j'imagine
qu'elle ne voit pas bien non plus alors je prends une feuille de papier et
inscrit mon message :
"Appel moi au 0654818513, ton admirateur secret." Puis
je le plie de façon à en faire un avion.
Je mouille mon index pour connaitre
le sens du vent et envoie mon engin en papier dans sa direction.
C'est sans
compter sur ma "loose" légendaire qui fait dévier de sa trajectoire le
projectile qui pique du nez et atterrit dans le jardin de ma vieille voisine du
rez-de-chaussée.
Ma jolie voisine me fait un signe "laisse tomber" et nous
rigolons tous les deux aux éclats.
Tandis qu'elle rentre à l'intérieur de son
logement, je pense au message inscrit sur mon avion en papier que ma vielle
voisine va surement lire demain.
Espérons qu'elle ne le prenne pas pour
elle!
Ce matin, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai la pêche, la patate!
Faudrait un jour qu'on m'explique le rapport entre les deux, bref, je
m'égare.
Je suis en pleine forme, j'ai même fait quelques étirements, abdos
et pompes! Du jamais vu! Mais qu'est-ce qui m'arrive?! Et pour la première
fois depuis le début du confinement, je m'habille avec autre chose qu'un bas de
survêtement. Ne vous inquiétez pas je prends quand même ma douche
journalière! Il est 11h alors je descends voir à la boite aux lettres si j'ai
reçu du courrier.
Et devinez qui je croise au rez-de-chaussée ? Ma vielle
voisine qui sent amoureusement mon avion en papier. Non je déconne,
heureusement. C'est ma jolie voisine d'en face qui revient de sa balade avec
son chien qui me salut tout sourire avant de remonter à son appartement.
Je
suis un peu distrait en la regardant à tel point que j'en oublierais presque le
pourquoi de ma venue ici, ma prise de risque hebdomadaire. Ah oui, le
courrier!
Dans ma boite aux lettres, je trouve plusieurs courriers dont un de
ma mutuelle et ma quittance de loyer, mais aucune brochure publicitaire!
Mon
Dieu que c'est apaisant, et dire que l'autocollant "stop pub" sur ma boite aux
lettres n'avait jusqu'alors pas réussi cet exploit! Et je ne suis pas au bout
de mes surprises, parmi mes divers courriers je découvre un petit mot qui sent
le parfum avec un coeur dessiné dessus.
Je n'avais pas reçu ce genre
d'attention depuis le collège! Ça me ferait presque quelque chose si je n'avais
pas une grosse carapace de 2nd degré. Ni une ni deux, je retourne chez moi.
Je vais pour enregistrer son numéro dans mon téléphone, m'interromps et réalise
que je ne connais pas son prénom! "Voisine" dans un premier temps ce sera
très bien.
Qu'est ce que je pourrais bien lui envoyer comme premier message?
Il faut que je la fasse rire, mais sans devenir lourd. Je ne sais jamais dosé
ce genre de chose dans une conversation avec une inconnue. Allez je me lance,
j'ai plus à y gagner qu'a y perdre.
"Bonjour charmante voisine, merci pour le
numéro. Moi c'est Alexandre, tu peux m'appeler Alex si tu veux et toi c'est quoi
ton prénom?"
À peine ait je envoyé mon message que la réponse me revient.
Elle a été rapide.
"Bonjour Mr Maladroit, moi c'est mademoiselle Flauquet,
mais tu peux m'appeler Janine.
Elle n'a pas une tête à s'appeler Janine, ça
fait un peu vieillot.
Après ça me fait aussi penser à Janine Lindemulder
l'actrice porno qui pose sur la pochette de Enema Of The State, l'album culte de
Blink-182.
Mais attends, Flauquet...c'est le nom de la petite vielle du
rez-de-chaussée! Et ça m'étonnerait qu’elles soient de la même famille, elle se
moque de moi.
"Haha très drôle. J'ai failli me faire avoir! Alors comment tu
t'appelles?
"Virginie, mais ne t'avise pas de m'appeler Ninie!"
"Enchanté
Virginie."
La discussion suit son cours naturellement avec beaucoup d'humour
et d'affinité.
Pour éviter de vous ennuyer, je vous en épargne les détails et
le surplus d'intimité.
Des SMS nous passons aux réseaux sociaux puis à
l'appel téléphonique.
Tout cela s'enchaine si naturellement.
C'est quand
même très bizarre d'avoir une relation à distance alors que nous sommes si près
à tel point que l'on peut se regarder et se faire coucou à travers nos fenêtres
respectives.
Paradoxalement, cette situation semble nous rapprocher, alors
qu'on n’aurait jamais osé se parler auparavant.
La vie est étrange
parfois.
Avec Virginie on a même envisagé de franchir le pas, de se
rapprocher...physiquement.
Mais quelque chose semble la bloquer, j'imagine
que c'est sa profession.
Ha oui, vous ne savez pas, normal puisque je vous ai
épargné les détails de nos conversations.
Je vais donc vous faire un topo
sur Virginie : 25 ans, infirmière, végétarienne (c'est presque un miracle pour
moi, même s’il y en a beaucoup maintenant), originaire du sud elle a quitté sa
province pour un travail en région parisienne comme beaucoup.
Avec tous ses rires et cette complicité, je ne me rends plus du tout compte
du temps qui passe à tel point qu'il m'arrive d'en oublier parfois de
manger.
Je prépare mon diner - oh rien de bien gastronomique, juste des pâtes
bolognaises façon végétarienne, pas compliquée il suffit juste de remplacer la
viande par du haché végétal - et pendant que ça mijote je mets en place mon
matériel pour la chanson de ce soir.
Ma version coronavirus de Where is my
mind de Pixies.
"Cette reprise est dédicacée aux personnels hospitaliers qui
se démènent pendant qu'on mange des chips sur notre canapé.
À ceux qui se
gardent bien de faire don de leurs masques aux soignants et qui préfèrent s'en
servir pour faire leurs courses. Merci à vous!"
Je lance un petit clin d’œil à Virginie et commence à jouer.
"Ooh, stop
Where're Eggs, toilette
paper, pasta, rice ? I can't found!
Trying to do my job while stupids gets
out.
You need to jog out ?
But you never did
and only think 'bout
yourself!
Where is my mask ?
where is my mask ?
where is my mask?
Way out in
the coldroom see them dying."
En mangeant je regarde "Quarantined Cutie", cette vidéo "tik tok" qui fait le
buzz en racontant la rencontre d'un couple de New-Yorkais pendant la crise
sanitaire.
Si vous ne l'avez pas vu, je vais essayer de vous l'a résumer
:
Un mec se fait chier alors il regarde par la fenêtre cette fille danser sur
un toit, il l'a salue de la main et elle lui répond. Alors il décide de
rentrer en contact avec la jeune femme en écrivant son numéro de téléphone sur
un bout de papier qu'il scotche sur son drone. Ouais je sais, ça fait un peu
début de film porno. Désolé, le confinement, la distanciation sociale, tout ça
me travaillent apparemment.
Et donc ils s'échangent des SMS et vont même
jusqu'à dîner en tête à tête...via "facetime". Lui sur son balcon et elle sur le
toit de son immeuble.
Après ce premier rendez-vous galant, l'homme décide
alors de donner rendez-vous à sa prétendante dans la rue et va redoubler
d'ingéniosité pour braver les règles sanitaires en se glissant dans une bulle
gonflable géante. Cette chouette petite vidéo me rendrait presque jaloux de
ne pas avoir eu l'idée avant son auteur. Elle est presque aussi réconfortante
que ce plat de pâtes que je suis en train de manger. Je pourrais en manger
tous les jours! Ça tombe bien, car comme à mon habitude j'en ai encore
beaucoup trop fait. Et je sens déjà que la digestion va précipiter mon
sommeil, ça tombe bien Virginie doit se coucher tôt à cause de son service de
demain. On s'envoie quelque "mèmes" par message et nous nous endormons comme
des ados, virtuellement l'un à côté de l'autre.
Le matin au petit dej, en me servant avec le paquet de céréales je fit la
désagréable découverte qu'il était vide. À qui aurais je pu en vouloir
d'autre qu'à moi ?
C'est avec la peur au ventre et surtout la faim que je me
prépare pour aller faire les courses.
Gants, masque et lunette de soleil,
hélas les apparences sont trompeuses, je ne m'habille pas pour faire du
ski. La queue pour entrer dans la galerie marchande s'étend jusqu'au bout de
la rue.
Des panneaux semblent indiquer que si vous êtes membres du personnel
soignant ou des forces de l'ordre alors vous êtes prioritaires. Enfin en plus
des personnes handicapées et des femmes enceintes, bien sûr. Il fallait s'y
attendre, vous trouverez toujours des gens sans scrupules pour gruger la file
d'attente soit en utilisant un fauteuil roulant ou des obèses qui n'ont pas de
grossesse. Dans ce Nouveau Monde libre non binaire, je m'attends même à voir
un fhomme débarquer et me passer devant. Mais la palme de la supercherie
revient aux enseignes de la grande distribution, "les supermarchés" qui non
content d'augmenté indécemment leurs prix (ou plutôt d'ajuster leurs marges
directement) sur les produits de première nécessité (allant de l'hygiène au
produit laitier) contrôle systématiquement ses clients qui utilise la
zappette. Ainsi appliqué, ce service perd toute son utilité.
Et dire que
ça été crée pour faire gagner du temps et pourrait dans le cas présent aider à
limiter le plus possible les interactions.
Quand on y pense, c'est quand
même le comble : le voleur qui vous soupçonne.
Auchan, ils cultivent le
mépris de la sécurité de leurs employés (sans compter la fameuse prime qu'ils
n'auront pas) et de leurs clients en les surexposant au virus.
Faire ses
courses est devenu une véritable partie de" Dead Rising".
Avec tous ces
zombies indisciplinés qui rodent dans les rayons l'air hagard, et qui se jettent
sur les denrées d'une palette laissée par un magasinier qui revenait pour la
déballer.
Et quand vous pensez en avoir fini avec tout ça, il faut encore
faire la queue pour passer en caisse.
Si avant la crise sanitaire faire vos
courses le samedi relevait du calvaire, maintenant c'est devenu un enfer. Je
n’aurais jamais cru un jour avoir peur en faisant mes courses.
Comme pour
rajouter à ce climat anxiogène, Virginie ne m'a pas répondu de toute la
matiné.
Rationnellement, je sais qu'elle est trop occupée au travail pour
m'écrire, mais cela me fait un petit pincement au coeur. Ou plutôt comme une
compression de la cage thoracique.
Rien de grave, c'est pas le virus, juste
le stress des courses et le confinement qui commence par m'oppresser, j'imagine,
peut être même la faim.
Pour remédier à cela, rien ne vaut un bon plat de
pâtes bolognaises "végé" de la veille, c'est encore meilleur je trouve quand
c'est un peu sec et tiède.
C'est tellement réconfortant de manger un plat
comme celui-ci dans un moment pareil.
Je verse le tout dans une poêle et
tandis que cela cuit, je lance une partie de rainbow 6 sur la PS4.
Absorbé
par mon jeu vidéo, j'en oublie mon repas sur le feu et c'est le détecteur de
fumée qui vient à me le rappeler. J'enlève la poêle de la gazinière et sers
le tout dans un de ses gros bols que j'affectionne. C'est étrange je ne sens
pas l'odeur de grillé.
Je m'installe sur le canapé et mange penché sur ma
table basse tout en regardant netflix.
À chaque bouchée je me demande si je
sens bien le gout, des aliments que je mange.
Mais je crois que si je me pose
la question c'est que quelque part, j'ai déjà la réponse : "je n'ai plus de goût
ni d'odorat". Tout cela n'a plus de saveur. Est-ce plus une sensation (ou
plutôt son absence olfactive) qu'un sentiment? Sinon, une réaction
psychosomatique, qui matérialiserait mon manque de Virginie? Suis-je en
train de devenir dépressif ? Ou dépendant affectif? Peut-on être hypocondriaque
pour des maladies mentales ? À moins que ce soit encore plus grave que je ne
le craignais et qu'il s'avère que j'ai simplement perdu le gout...de la vie?
Je suis fatigué, j'ai comme une barre au front, une migraine me guette et une
sieste s'impose.
C'est peut-être à cause des écrans ou du corona. On verra,
je vérifierais ma température.
Il fait très chaud, plus de 25 degrés.
Mes
fenêtres sont ouvertes et mes volets mi-clos. Les gosses de la résidence qui
hurle en jouant dans leurs jardins, les voisins qui téléphonent sur leurs
putains de balcons, tout ça résonne et m'empêche de me reposer
convenablement. Et d'un coup un petit orage de chaleur éclate, tout le ferme
sa grande gueule, le silence et la fraicheur reviennent comme par magie.
J'aurais presque envie de faire la danse de la pluie, pour célébrer ça, mais
je suis trop fatigué.
Il est 20h et je n'ai toujours pas de nouvelle de Virginie.
Son volet est
resté ouvert toute la journée, mais je ne l'ai pas aperçu, ni avant ni
maintenant pour notre rendez-vous quotidien.
Ce soir, pour coller à mon
humeur du jour, j'ai choisi de jouer "Stay away" de "Nirvana".
J'avais pensé à
"symptom + cure" de "Comeback Kid", j'abandonne cette idée par peur que le
voisinage me jette des tomates ou de faire sauter le pacemaker de la petite
vieille du rez-de-chaussée.
Déjà que mon avion en papier a du faire monter sa
pression.
La nuit tombe progressivement sur la résidence.
Seules, les
fenêtres des appartements sont éclairées par les lueurs des télévisions allumées
et des musulmans qui fêtent le ramadan.
Avec ma lampe torche je balaie le
faisceau lumineux sur les vitres de Virginie sans aucun signe de vie, hormis son
chien qui intrigué gratte la porte-fenêtre en aboyant.
Je tenterais bien
d'escalader les 2 étages jusqu'à son balcon tel un "Roméo" qui rejoindrait sa
"Juliette". De même que je pourrais envoyer des cailloux sur ses vitres, mais
ça risquerait de faire des éclats de verre et les voisins appelleraient la
police en pensant que je sois un cambrioleur.
Raisonnable, je préfère
utiliser mon pistolet nerf avec ses flèches en mousse qui n'abimeront pas les
carreaux.
Les questions se bousculent et s'accumulent dans mon esprit :
est-elle tombée malade au boulot ou fait-elle juste des heures sup?
Ou
s'est-elle fait agresser par la horde de toxicos qui rodent à côté de son
travail ?
J'ai lu quelque part que des vigiles étaient obligés d'escorter
les soignants de l'hôpital Lariboisière à cause de ces zombies junkies.
Et
dire que certains politique de gauche ont émis le souhait de les faire tester et
de leurs distribuer des masques prioritairement alors que nos soignants, nos
pompiers et nos forces de l'ordre n'en disposent pas suffisamment pour accomplir
leurs tâches.
Apparemment on n’a pas le même sens des priorités et
clairement, la vie de quelques parasites sociaux me semble dispensable.
Là, perché sur ma fenêtre, mon mirador de fortune (il me manque toujours les
jumelles), je l'attends comme si j'étais un labrador.
N'empêche que ça ferait
de belles paroles de chanson.
Au beau milieu de la nuit, je vois la lumière
du hall éclairer la cour intérieure, c'est Virginie qui arrive enfin. J'ai
envie de lui sauter dessus et de la réconforter de cette éprouvante et
interminable journée de travail qu'elle a dû enduré. Au lieu de ça, je
l'observe tapi dans l'obscurité quand je reçois un SMS bruyant de sa part qui
éclaire mon visage. Je suis démasqué, je lui fais un signe de la main et elle
rigole.
Ce matin j'ai décidé de me lever tôt pour lui préparer le petit déjeuner, ou
plutôt le lui déposer devant sa porte.
Je suis passé à la boulangerie lui
acheté des viennoiseries, lui ai fait coulé un café au lait dans un thermos,
puis j'ai emballé le tout dans un sac en papier et accompagné d'un petit mot
mignon.
Une fois réveillée, elle m'appelle pour me remercier de l'attention
et pour s'excuser de ne pas avoir pu me donner de nouvelle hier.
Elle me
confie qu'elle a passé une des pires journées de sa vie, une véritable
hécatombe.
Dans le même moment, je lis voit sur la télévision restée allumé,
le bandeau d'information qui défile et confirme ce qu'elle me raconte au
téléphone.
Hier était le plus gros bilan de mort journalier.
Virginie n'a
pas parvenue à trouver le sommeil de la nuit.
En état de choc, elle ne
pouvait s'empêcher de revoir mentalement défiler toutes ces civières et ces
brancards pleins de cadavres qui sont conduit de la réanimation à la morgue et
aux chambres froides, qui s'entasse dans les couloirs ou pire que tout dans
remorques de camion frigorique.
Ne sachant quoi répondre et voulant la
réconforter, je lui propose de se rejoindre en dehors de la résidence pour
discuter et de s'assoir sur un banc au soleil.
Tout en respectant la
distanciation sociale de rigueur, je tiens à le préciser.
À sa voix, je sens
qu'elle en a envie autant que moi, mais que quelque chose semble la
déranger.
Les mots dans sa bouche finissent par matérialiser ce que je
redoutais.
Virginie ne veut plus qu'on se voie...physiquement, du moins
avant que la crise sanitaire ne soit finie.
Bien que cela soit trop tentant
et c'est aussi trop dangereux pour moi me dit-elle.
Inquiète, elle ne cesse
de me répéter : "ce n'est pas une petite grippe ni une MST, c'est bien plus
grave et virulent que ce que l'ont croit".
Et je ne s'aurais dire si ce sont
mes arguments tendant à la rassurer ou sa volonté de se faire convaincre qui l'a
décida, mais nous finissons par nous retrouver à l'extérieur.
C'est la première fois que nous nous rencontrons en vrai.
Bien sûr, ce
n'est pas comme si nous étions de parfaits inconnus avec toutes ses
conversations téléphoniques et sur les réseaux sociaux.
Mais la voir en vrai,
sentir l'odeur de son parfum et pratiquement pouvoir la toucher...me
décontenance.
J'en perds mes moyens, je me surprends même à bégayer et à
trembler par moment.
Virginie, trouve sa mignon.
Pour moi, c'est plutôt
embarrassant, mais si cela lui plait je ne vais pas m'en plaindre.
En me
regardant droit dans les yeux, elle me murmure "ce serait bien d'avoir un peu
d'intimité".
Je ne suis pas sur d'avoir bien entendu, peut être parce qu'elle
l'a chuchoté/susurré.
À mes oreilles cela a raisonné comme un "j'ai envie de
toi".
En essayant de rassembler toute mon assurance, je lui bredouille "Mais
comment faire en respectant les règles d'hygiènes et de santé?" Virginie me
lance un clin d'oeil, et me fait signe du doigt.
"Suit moi, j'ai une
idée."
De sa main gantée elle prend la mienne et me guide/conduit jusque devant la
porte de son appartement. Là, dans ce couloir nous nous
déshabillons.
Excité, j'avoue avoir un peu de mal à retirer mon pantatalon à
cause de mon érection.
Pas le temps d'enfermer dans un sac nos vêtements,
nous les laissons sur le palier.
Je continue de la suivre et elle me conduit
vers la salle de bain. Elle m'invite à entrer dans la baignoire. Nous
découvrons nos corps nus ruisselant sous l'eau du pommeau.
Je commence à la
savonner, caresse sa peau avec la fleur de douche et je vais pour l'embrasser
quand celle-ci tourne la tête dans l'autre sens/évite mon étreinte/a un
mouvement de recul.
Virginie attrape sa serviette et se sèche en m'expliquant
que l'on doit prendre nos précautions.
Elle ne veut pas me contaminer et je
ne veux surtout pas partir, alors je n'ai plus qu'à écouter la solution qu'elle
suggère pour assouvir nos pulsions.
Je découvre son grand studio, agencé de façon à séparer le coin-cuisine de la
partie chambre où nous nous installons. À moitié dénudée, elle s'allonge sur
le lit tandis que je m'assois sur le fauteuil qu'elle me
désigne. Nous nous caressons, nous masturbons sans jamais toucher l'autre, à
distance en s'observant. Elle fouille sous son oreiller et me balance un truc
sur le torse.
Surpris, je constate qu'il s'agit d'une télécommande...pour un
sex-toy connecté.
C'est donc ça le futur? Moi, en Luke Skywalker nettoyant
son sabre laser devant un hologramme sexy de princesse Leïa. Non, c'était
pour la vanne, honnêtement ce serait plus proche de "Démolition man" avec sa
scène de sexe virtuelle sans contact charnel.
Mon excitation luttant contre
mes aprioris négatifs, je la regarde se caresser et élargir sa cavité pour y
insérer ses doigts puis l'objet. Elle me dévisage, un sourcil relevé en
s'écartant les lèvres comme pour me montrer toute l'excitation qu'elle cacherait
à l'intérieur. Jusque là, je pensais que pour déterminer ce qui est réel, le
toucher était indispensable et le concret devait être palpable.
Mais je me
trompais.
Aujourd'hui, je ne découvre pas seulement une nouvelle partenaire,
mais une toute nouvelle façon de faire l'amour. Et le sexe ne m'a jamais paru
aussi intense que maintenant avec elle.
Tout est plus érotique, l'exaltation
est exacerbée. Nous jouissons comme jamais je ne l'aurais imaginé.
Son chien
comateu dans son panier, ouvre partiellement un oeil à chaque gémissement de sa
maîtresse puis se rendort comme si de rien n'était.
C'est étrange de ne pas
l'embrasser ni de la toucher. J'aurais presque l'impression d'être avec une
prostituée, une camgirl ou une fille qui aurait de l'herpès à la différence que
j'ai des sentiments pour elle.
Tandis que je m'essuie, elle allume la
télé.
Une chaine d'information en continu diffuse des images de
manifestations anti-confinement aux USA. Bande de covidiots! Je suis sidéré par tant de
bêtise. Remarque, en France les gilets jaunes et les pues la pisse de tout
horizon s'impatiente à l'idée de pouvoir reprendre leurs sports national :
l'ivresse publique en manifestations.
Allez-y, vous pouvez bien crever pour
votre fichue liberté, mais ne demandez pas à ce que l'on vous soigne
après. C’est pas comme si ce n’était pas déjà le cas avec ce fichu 2nd
amendement, ces armes que vous chérissez vous tuent plus qu'elles ne vous
protègent. Après tout quand on sait que ce sont les mêmes personnes qui ont
voté pour un président qui suggère sérieusement d'injecter de la javel et de
faire des séances d'UV pour guérir les malades. J'imagine qu'ils ont les
dirigeants qu'ils méritent.
Là bas, certains organisent même des "covid
party", où de jeunes insouciants se soulent (ne sont-ils pas suffisamment
abrutis en temps normal?!) et se transmette le virus, espérons qu'ils deviennent
avec ça les derniers abrutis de leurs lignées.
Évidement, vous avez tout et
sont opposé, comme le montre le reportage qui suit sur ces mairies espagnoles
qui ont javellisé leurs plages...La bêtise humaine semble sans
limites.
J'arrête de regarder, cela m'énerve de trop et il faut que je me
prépare pour la chanson de ce soir.
Nous récupérons nos vêtements sur le
palier de sa porte, nous rhabillons et regagnons mon appartement. La chanson
de ce soir est une reprise d'Oasis.
Today is gonna be the day
That they're gonna throw it back to you
By
now you should've somehow
Realized what you gotta do
I don't believe that
anybody
Feels the way I do, about you now
Backbeat, the word was on the
street
That the fire in your heart is out
I'm sure you've heard it all
before
But you never really had a doubt
I don't believe that
anybody
Feels the way I do about you now
And all the roads we have to walk
are winding
And all the lights that lead us there are blinding
There are
many things that I
Would like to say to you but I don't know how
Because maybe, you're gonna be the one that saves me
And after all, you're
my hospital.
Partout, ils annoncent le déconfinement pour la date du 11 mai comme si c'était le jour de la libération. Le virus ne va pas disparaitre du jour au lendemain parce que nous l'avons décidé par décret. Certes, chaque jour, des malades guérissent tandis que des nouveaux (qui n'ont pas leur chance) continuent d'être admis en réanimation. D'autres décèdent sans avoir de funérailles décentes.
Face à tout ça, j'ai perdu mon optimiste habituel. Je ne sais pas si nous pourrons un jour reprendre une vie "normale" mais j'ai conscience de ma chance, quand maintenant, vient 20h le soir et que nous chantons l'espoir et la tristesse à l'harmonie.
Je ne suis plus tout seul, non, nous sommes trois, moi, elle et...non ce serait trop beau, elle n'est pas enceinte. Non, la troisième personne, vous le savez depuis le début, c'est vous.
Ceci n'est pas un "happy end", tout ça n'existe que dans ma tête. Bien sur que ma charmante voisine d'en face est bien réelle mais elle ignore totalement mon existence.
La vérité ? C'est que le confinement et la solitude ont eu raison de ma santé mentale.
Et pour être tout a fait franc, je pensais que la folie me guetterait bien plus tard, dans quelques décennies, comme toutes les personnes âgées et seules qui finissent leur vie à Paris.
A ce propos, une odeur nauséabonde remontant des canalisations et de la VMC m'interpelle.
Ma première pensée met en cause la vaisselle qui s'entasse dans l'évier ou la poubelle qui déborde mais une fois tout ceci rangé et nettoyé l'odeur persiste dans mon appartement. Ce n'est que lorsque je descends au local à ordures, en voyant les pompes funèbres embarquer le corps de ma vieille voisine du bas, que je comprends d'où la puanteur provenait. Mon téléphone portable se met à sonner dans ma poche, toujours au bon moment. C'est surement un énième appel de ma psy, elle fera comme ma mère avant elle...Sur mon répondeur, il n'y a qu'elles qui me laissent des messages.
J'imagine que cette fois c'est pour me faire penser à renouveler mon ordonnance et mon traitement.