lundi 8 février 2021

Mon Everest


Là-haut, ce n'est pas le bruit de la neige qui tombe sur les sapins, mais celui du vent qui fait bouger l'emballage d'une barre énergétique jetée par terre.

Ce n'est pas non plus l'odeur des bouquetins et autre faune sauvage montagneuse, mais celle des excréments.
Ce sont simplement les tonnes de détritus laissés derrière les hordes de touristes de l’extrême.
Après le tourisme macabre voyageant de Pompéi à Tchernobyl, c'est maintenant la nouvelle mode des voyagistes.
Toujours à la recherche de nouvelles destinations pour leurs riches clients blasés, en perpétuelles quêtes d'aventure.
Bientôt ce sera l'espace, peut-être même la Lune!
Sur son passage, l'Homme répand ses déchets partout.
Quand on sait qu'il y a des milliers de satellites et leurs débris qui dérivent en orbite au-dessus de nos têtes.
Alors, imaginez un peu si c'est à plus de 384 400km de chez lui...
Y a qu'à voir ce que les astronautes du programme Apollo y ont laissé, entre les équipements scientifiques, les vêtements, les aliments et les 96 sacs de déjections humaines (matière fécale, urine, vomi).

Mais avant la conquête de l'espace, nos touristes de l'extrême s'attaquent aujourd'hui au toit du monde, l'Everest, le sommet de l’Himalaya, la plus haute chaine de montagnes au monde.
Bien entendu, qui dit touriste dit forcément autocars de Chinois indisciplinés (malpolis), d'Italiens ou d'Espagnols bruyants et de Russes qui ne parlent que leur langue.
Chacun d'eux s'est affranchi d'une coquette somme comprise entre 70 000 et 77 000 dollars, dont 10 000 rien que pour le permis d'ascension.
Un prix élevé à la hauteur du défi qu'il finance et des risques encourus par l'organisateur.
Car cette ascension nécessite une logistique conséquente et l'accompagnement par toute une équipe (guides, sherpas, médecin, cuisinier...) au sein d'un groupe de 7 personnes, pour être menée à bien.
De plus, il comprend le vol à destination de Katmandou et celui au départ du trek vers le camp de base, la pension complète en lodge les premiers jours puis en tente, ainsi que 8 bouteilles d'oxygène par personne et un sherpa privé (pour lequel prévoir aussi 500$ supplémentaire en cas d'arrivé au sommet).
Il s'agit là d'une expédition qui dure en moyenne 2 mois, dont rien qu'une dizaine de jours pour arriver au camp de base de l’Everest.
Bien sûr, si vous voulez tenter l'aventure par vous même, sans passer par une agence, le permis vous reviendra à 25 000 dollars.

À peine arrivés à Katmandou, les groupes de touristes n'ont pas le temps de visiter qu'ils doivent s'atteler à la préparation de l’expédition et l'achat de matériel.
Ils enchainent ensuite avec quelques jours de marche d’approche entre 2500 et 5000m pour favoriser l'acclimatation à l’altitude.
Comme il fallait s'en douter, les premiers à s’acclimater sont évidemment les Russes malgré leur régime nocturne très alcoolisé.
Une fois passée la phase préparatoire, l'expédition peut enfin commencer.
Rejoint par les sherpas qui chargent le matériel à dos de Yack, tout ce petit monde se met en marche jusqu’au camp de base à 5350m.

Là-bas, ce n'est pas le paysage montagneux vierge de toute civilisation auquel ils s'attendaient.
Non, ce qu'il découvrent en arrivant serait plus assimilable à ce qu'ils pourraient trouver dans le camp de migrant jouxtant la colline du crack près de porte de la chapelle à Paris.
À voir ces centaines de tentes disposées anarchiquement, tous ces déchets qui jonchent le sol et s'amoncellent un peu partout parmi lesquels se trouvent en grande proportion des excréments humains.
Il suffit d'un bref regard autour de vous pour faire ce triste constat : "ils ont souillé durablement les neiges éternelles".
Et ce n'est pas les 12 000 kilos de fientes qui s’accumulent chaque année qui vont arranger cela.
Pire, on peut voir régulièrement des flux de matière fécale régurgités par la montagne et dévaler les pentes verglacées.
Donnant ainsi au mont Everest des airs de volcan d'où s'écoulerait de la lave merdique.
Malgré les efforts de certaines ONG comme les volontaires de chez "homo détritus" qui organisent une fois par an une expédition de nettoyage.
L'an passé, ils ont récolté pas moins de 8 tonnes, qu'ils ont descendues à dos de Yack puis convoyé par camion bene et hélicoptère.
C'est ceux-là même qui descendent tout juste avec des centaines de sacs remplis d'ordures.
Reconnaissable à leurs bénévoles chevelus/barbus qui lancent des regards hostiles en croisant nos groupes d'arrivants.
Le cortège nauséabond des poubelleurs de l’extrême est suivi de celui des blessés rapatriés à dos de yack et autres civières de fortune.

Après l'installation du camp de base et avant l'ascension finale, nos équipes d'alpinistes font trois ascensions partielles.
Ces aller-retour successifs entre le camp de base et les camps 1, 2, 3 (respectivement à 5900, 6400, et 7300 m d’altitude) sont nécessaire pour une bonne acclimatation aux conditions de froid et de manque d'oxygène.
Pour se faire, ils empruntent à chaque trajet la cascade de glace. Un passage obligatoire, car impossible à contourner et tristement célèbre pour sa mortalité.
Cette dangereuse portion est constituée de millions de tonnes de glace qui se déplacent avec des séracs de la taille d'immeubles et de crevasses sans fond.
Jusqu'ici 19 personnes y ont perdu la vie et on a presque failli en compter une 20ème quand une jeune chinoise à glisser en voulant faire un selfie au-dessus du vide.
Heureusement, qu'un guide l'a secouru de justesse en lui tendant une perche - mais heureusement pour elle - pas à selfie.

Si au camp de base ils avaient croisé les blessés qui se faisaient rapatriés, ici à 7900m, au camp 4 ils passent devant les cadavres abandonnés des alpinistes qu'ils les ont précédés.
Tous ces gens qui ne pensaient qu'à gravir le sommet, mais qui oubliaient qu'ils devaient aussi en revenir.
Ces corps pétrifiés dans la glace, bien souvent morts suite au mal aigu des montagnes, d'un oedème cérébral qui enfle dans le cerveau jusqu'à la perte des fonctions motrice ou d'un oedème pulmonaire qui remplit les poumons de liquide jusqu'à la noyade.
Et quand vous voyez un cadavre dénudé dans la neige, ce n'est pas qu'il eu été violé par un Yéti, mais bien qu'il fut victime d’hypothermie, soudain pris d'une bouffée de chaleur irrationnelle, il s'arrache les vêtements et meurt.
Quoi qu'il en soit, si vous avez le malheur de mourir dans ces montagnes votre dépouille servira à baliser les sentiers comme l'infortuné "Green boots", un sherpa inconnu dont les fameuses bottes vertes servent depuis de repère visuel.
Sauf si bien sûr, votre famille a suffisamment de ressources financières pour faire rapatrier votre corps congelé.

Entre 8200 et 8600 mètres d'altitude vous êtes dans la "bande jaune" - appelé ainsi en raison de la pierre colorée d'un brun jaune bien distinctif - nos groupes de touristes mettent leurs masques à oxygène.
Une fois le col sud passé, ils pénètrent dans la zone de la mort. À partir d'ici et à cette altitude tous corps humains meurent progressivement, se décompose littéralement.
D'abord les engelures touchent les extrémités des membres, puis vous perdez peu à peu la sensibilité de vos orteils, de vos doigts, même votre nez ou encore votre bite.

Cela fait maintenant 37 jours que leurs périples a commencé et des tensions se font sentir entre chaque communauté.
Incivilités, différences de mœurs et de code sociaux viennent se rajouter à la barrière de la langue.
Plus le temps passe et plus les conditions se durcissent. Cette montagne commence à agir sur les hommes comme une tour de Babel naturelle.
Et c'est comme dans une mauvaise blague, remplie de cliché, mais avec un fond de vérité.
Chaque nationalité doit jouer son rôle : les russes sont rustres et alcoolisés, les Chinois sales et sournois, les Espagnols quant à eux sont bruyants.
Malgré tous leurs piaillements, ces derniers ne parviennent pas à réveiller les Russes qui l'altitude aidant sont en pleine gueule de bois.
Nos conquistadors en profitent alors pour prendre de l'avance sur l'ascension finale, mais réalisent bien vite que les Asiatiques les ont déjà devancés.
C'est maintenant la dernière ligne droite jusqu'au sommet, plus que quelques centaines de mètres à gravir, mais les conditions météo sont très mauvaise et de ce fait un embouteillage se forme sur la cordée.
Ici, il y a des guides dans toutes les langues, mais aucun billet coupe file. Personne ne peut échapper à cette file d'attente mortelle.
Les uns derrière les autres, vous ne marchez pas et donc votre corps ne se réchauffe pas.
Vous avez beau avoir le meilleur équipement du monde, aucune chose fabriquée par l'homme ne peut combattre la nature.
Elle finit toujours par reprendre ses droits.

Les hidalgos avec toute la discrétion qui fait leur réputation touristique s'impatientent en attendant un changement météorologique.
Pour faire passer le temps et essayer d'oublier le froid, ils jouent aux devinettes.
Mais lorsque Juanita s'esclaffe un peu trop fort en ayant trouvé la réponse à la question :
L'écho de sa voix résonne gravement dans les montagnes et déclenche inévitablement une avalanche.
Emportés par la neige, ils meurent sur le coup et la vallée retrouve enfin son silence paisible.
Les chinois qui étaient devant, eux, sentent la paroi vibrer fortement.
Ils voient dégringoler des rochers entiers sans toutefois chuter.
Une fois l'éboulement terminé, les nuages et la brume se dissipent. Profitant de cette embellie extraordinaire, les Asiatiques reprennent leurs ascensions.
Cependant, les cordes de mauvaise facture qu'ils utilisent pour gravir le sommet, fragilisé par la catastrophe, cèdent lentement sous le poids, précipitant ainsi la cordée dans le précipice.
Quant aux Russes, bien qu'ensevelis sous la neige, ils semblent avoir survécu, après tout c'est leur élément.
Increvables, ils se relèvent comme si ils étaient à peine un tout petit peu plus fatigués de leurs cuites de la veille qu'à l'ordinaire.
L'un d'eux ramasse une bouteille de verre aux deux tiers entamé, boit le fond de celle-ci et recrache aussitôt sa gorgée.
"De la pisse" s'exclame-t-il en Russe, mais comme c'est la sienne et qu'elle est fortement alcoolisée, il en reprend une lippée puis balance la bouteille dans les décombres (de plastique et tissus) avant de rejoindre le reste de ses camarades.

Le point commun de tous ces groupes de différentes nationalités, ce n'est pas leurs amours de la montagne, mais bien leurs propensions à ne pas la respecter.
Boite de conserve, bidons, canettes, emballage plastiques et tissus, toiles de tente, bouteilles d'oxygène et autres matériels d’expédition sont enfouis sous la neige de l'avalanche, mais ne disparaitront pas aussi facilement.
Une belle excuse qui tombe bien, pour justifier l’abandon de tous ses déchets ménagers, alors que plus de 70 containers se trouvent sur les routes qui parsèment le sommet.
Et ce n'est pas les 3600 euros de caution (restitué en échange de 8kg d'ordure par alpiniste) qui vont dissuader nos riches touristes d'adopter un comportement irrespectueux.

Sur les 200 alpinistes qui ont tenté l'ascension aujourd'hui, les bolcheviques seront les premiers à atteindre le sommet.
D'autres groupes de touriste de différentes nationalités se succèdent déjà derrière eux, continuent d'avancer sans relâche alors qu'il pourrait peut-être secourir ceux qui les ont précédés.
Là haut, il n'est pas question de solidarité, vous pourriez tout aussi bien être dans l'espace où personne ne vous entendrez crier. Il y a de grandes chances que votre dépouille soit laissée au vent comme les déchets.
Vladimir, le plus grand et le plus costaud du groupe se fait aider du sirdar (le sherpa principal) pour grimper sur l'ultime étage.
Alors qu'il pose le pied pour l'ultime pas vers le sommet, celui-ci trébuche et glisse bêtement sur une peau de banane laissée là.
Dans sa chute improbable, Vladimir entraine avec lui tous ses compatriotes dans le vide.

dimanche 10 mai 2020

Sans contact


Sans Contact



À ceux qui ont perdu la vie et à ceux qui les pleures.
À ceux qui ont tout tenté pour sauver des vies, au péril de la leurs.




Comme ça de prime abord, ce récit pourrait passer pour une fan fiction de "Bienvenue à Zombieland", enfin, les zombies en moins.
Si je vous raconte l'histoire d'un geek asocial qui est confiné pendant une pandémie mondiale, c'est bon, vous faites le lien?
Alors évidement, pas de zombie, pas de "double tap", cependant quelques règles de survies similaires sont à observer. Comme la numéro 1, non pas celle qui interdit de parler du fight club...vous savez celle qui dit qu'il est vital d'avoir un bon cardio. Évidemment, ce n'est pas pour les mêmes raisons avec le coronavirus. Mais si vous avez une mauvaise condition physique, une mauvaise immunité ou une pathologie particulière, vous finirez comme les cadavres qui s'entassent dans les chambres froides. Tout bien considéré, je reviens sur ce que j'ai dit sur les zombies.
Quand on y regarde de plus près (attention à la distanciation sociale!) dans ma réalité, les infectés sont majoritairement des personnes âgées.
Sans vouloir manquer de respect aux morts, on peut facilement faire le parallèle. Simple constat.
Y a qu'a les voir errer et déambuler dans les supermarchés, plusieurs fois par semaine avec leurs chariots de course qu'ils trainent derrière eux, comme si rien n'avait changé.
À utiliser leurs pièces de monnaie au lieu de payer par carte en sans contact (tout est dans le nom) ou mieux de se faire livrer.
Non, à la place, ils préfèrent venir faire leurs courses aux heures de pleines affluences, dans la cohue à la recherche d'un semblant de vie sociale.
Ils semblent ignorer que s'ils meurent, personne ne viendra à leurs funérailles.
Et pendant que les hystériques se ruent sur les étalages, se disputent les derniers rouleaux de papiers toilette, boites de conserves, paquets de pâtes et œufs.
À n'en pas douter, ce sont les mêmes qui s'écharpaient pour du Nutella il y a quelques mois de ça.
Maintenant, ce sont aussi eux que l'on voit se presser avec leurs chariots remplis de papiers toilette et de coca comme si une épidémie de gastro les menacer.
N'ont-ils rien compris au symptôme du coronavirus? À moins qu'ils ne soient tellement terrifiés qu'ils s'en chient dessus?
Dans ce cas, je leur suggère de reporter leurs attentions sur les alaises et les couches pour adultes.
Et encore que là aussi, il se seraient capable de foutre sur la gueule des petits vieux.
Ces personnes âgées que l'on retrouve non loin des surgelés - ça sera pour plus tard - aux rayons fruits et légumes en train de mettre leurs petites mains pleines de microbes préhistoriques sur les clémentines. À les voir les farfouiller, les tâter comme si c'était les boules numérotées de la tireuse d'un loto macabre. Ou comment passer directement au service réanimation d'un hôpital, sans passer par la case EPHAD. Ça fera moins de retraites à payer, c'est les technocrates de Bercy qui doivent se frotter les mains (avec du gel hydroalcoolique?).

Sans transition, l'économie est devenue un vecteur indirect de transmissions virales. Ce n'est pas un argument pour risquer la vie des gens.
Puisque c'est à cause d'elle que tant de pays ont eu du mal à fermer leurs frontières et à prendre des mesures de confinement strictes.
Retrouver leurs souverainetés élémentaires pour préserver la santé de ses citoyens.
De mes fenêtres qu'elles soient réelles ou virtuelles, je peux observer tout ce beau monde plein de civisme et d'humanité.
Il y a les confinés qui respectent les règles sanitaires et les cons finis qui font n'importe quoi.
Le plus drôle, c'est que ce seront ces mêmes gens qui viendront pleurer aux urgences et s'énerver que leurs prises en charge ne sont pas assez rapides.
Mais il ne faudrait surtout pas qu'on empiète sur leurs petites libertés.
D'ailleurs, il y a ceux qui devraient être enfermés et qui pourtant sont dans les rues.
Les voleurs et revendeurs de masques sous le manteau, et pire encore, ceux qui les achètent à ces gens. C'est sans compter sur les opportunistes qui trouvent toujours une bonne occasion de faire de l'argent sur la misère d'autrui.
Ceux qui augmentent leurs prix pour leur propre profit. C'est sur, la vie ainsi a quelque chose de plus...écœurant!
N'oublions pas les tueurs politiques, ceux qui conseillent l'immunité collective. Vous voulez mon avis? Ce sont eux, les super contaminateurs.
Et bien sûr, les tueurs négligents, ceux qui se pensent immunisés et se fichent bien de prendre leurs précautions pour ne pas infecter les autres.
Vous comprenez maintenant, pourquoi je me décris comme un geek associable? Je vous avais pourtant prévenu...
Enfin je ne suis pas non plus misanthrope, j'aspire aussi à un peu de chaleur humaine.
Le confinement n'a pas changé grand-chose du côté des sites et applis de rencontre.
Au début je ne cache pas que j'ai eu un petit espoir lorsque le phénomène a poussé les adeptes du ghosting à se manifester sur leurs comptes.
Car avec plus de temps et rien de mieux à faire pour tromper l'ennuie, elles répondaient plus rapidement.
Hélas, j'ai vite déchanté en me rendant compte que ces personnes n'avaient soit rien à raconter, soi était des prostituées ou des brouteurs africains.
Pour le reste, toujours les mêmes têtes, entre la future vieille fille avec ses chats, la cassos mère de 4 enfants de 4 pères différents et la sociopathe en devenir.
En bref, vous l'avez compris, le choix est difficile.

D'après vous, comment je vis le confinement? Plutôt bien je dirais pour un mec qui fait un monologue.
Soyons honnête, ça revient presque à parler tout seul, mais à l'écrit.
Pour répondre à ma propre question, je dirais qu'étant à la base un geek associable, j'aurais pu ne pas remarquer avant un bout de temps que le pays tout entier était confiné, enfin si je n'avais pas regardé les infos.
On ne va pas se mentir, mon quotidien n'a pas vraiment changé, je reste toujours autant de temps devant mes écrans.
L'envie de sortir profiter de l'air - presque redevenu - pur ne va pas me venir maintenant que cela m'est interdit ou limité.
Je ne vais pas non plus me découvrir une soudaine passion pour le running ou la marche nordique. Vous savez ce "sport" complètement con avec des bâtons!
Et puis, ce n’est pas comme si quelqu'un en avait quelques choses à foutre hein?
Seuls mes parents prennent de mes nouvelles.
De tous mes amis, aucun ne m'appelle, c'est un peu navrant à la longue d'être toujours celui qui le fait donc j'ai décidé d'arrêter.
Moi aussi, j'ai une vie tellement prenante que j'en oublie le monde autour.
À croire qu'ils ont tous des téléphones avec abonnement bloqué, un putain de crédit limité comme ce qui se faisait quand on était ados.
C'est aussi ça l'une des grandes désillusions de la trentaine, si vous ne faites pas de gosse, que vous n'êtes pas millionnaire alors vous vous retrouvez sur la touche.
Tout le monde avance dans sa petite vie sans se retourner ni regarder derrière lui.
Et le calme de ma résidence ne saurait me le rappeler/faire mentir.
Ce silence symptomatique du vide autour de moi, quand je joue aux jeux vidéo un casque audio sur les oreilles ou dans le métro avec des écouteurs.
Vous vous retrouvez dans ce que je dis? Alors j'imagine que je ne suis pas le seul dans ce cas, mais attention, nous ne sommes pas ensemble pour autant.
Dans votre petit appartement parisien, personne ne vous entendra crier. Vous êtes comme Ripley et son chat dans sa capsule de survie à dériver seuls dans l'espace.
Le hic, c'est que je n'ai pas de chat non plus, je ne saurais m'en occuper. Parfois je me dis que je suis encore un ado.
Et c'est en observant ma voisine du rez-de-chaussée - une dame âgée avec son chat -  en train de jardiner tranquillement que je m'aperçois que cette référence lui siérait mieux à elle qu'à moi.
La pauvre doit vachement se sentir seule et isolée en ce moment. C'est à ça que ressemble de vieillir en région parisienne.
Ça ne m'étonne pas qu'on retrouve régulièrement des cadavres momifiés ou partiellement dévorés par leurs yorkshires dans leurs appartements.
J'avais lu quelques parts que la solitude est plus meurtrière que l'obésité et presque aussi que le tabagisme.
Tout ça, me fait réaliser que je ne connais même pas son prénom, à peine son Nom et c'est parce qu'il écrit sur la boite aux lettres.
La triste vérité, c'est que je ne connais pas mes voisins.
Est-elle veuve sans enfant ou simplement une vieille fille, qui sait? La gardienne peut-être...et encore.
Quoiqu'elle en soit, son jardin est bien entretenu, et heureusement vu le temps qu'elle y passe dedans.
Les arbres ont retrouvé leurs feuillages, les oiseaux sont revenus, c'est le printemps me direz vous.
Depuis que le confinement à commencé, la planète semble se porter mieux en l'absence d'activité humaine et ce n'est pas un hasard!
Venise a retrouvé la couleur de ses eaux et ses poissons. On à pu observer le retour de la faune sauvage dans certaines villes comme ce puma à Santiago du Chili ou des sangliers dans Barcelone.
Il est nécessaire de le rappeler, si on en est là, c'est entre autres à cause de ses putains de chinois qui braconne et mange tout ce qui respire! Que ce soit pour leurs supposé propriété aphrodisiaque ou leurs saveurs /gastonomique culinaire douteuse.
Enfin, s'il n'y avait qu'eux, hélas, les gens de par le monde continuent de manger de la viande matin midi et soir (peut être même au gouter pour certains),
de rouler en ville avec des putains de SUV, de fumer des cigarettes, de s'acheter des putains de nouveaux téléphones 5G etc.
À croire que se balader avec un compteur linky collé à l'oreille serait bon pour la santé!
Et comme une punition divine, nous voilà contraints de nous confiner alors que les beaux jours sont là. La (la?) température à augmenté, le ciel est dégagé comme rarement en région parisienne, sans nuages de pollution ou de précipitation.
D'apparence cela pourrait sembler agréable, mais ce serait oublié qu'il y a un côté pervers/trompeur à toute chose. Cette chaleur estivale avec cet air de/a nouveau sain était chargé en pollen venant asphyxier les asthmatiques.
La nature en reprenant ses droits nous envoyait par la même occasion un énième avertissement.
Une injonction subtile pour inciter les plus fragiles à rester chez eux.
L'espace d'un instant, on se croirait dans une version 2020 du film "Phénomène" de M Night Shyamalan ou n'importe quel film de Roland Emmerich.
Un scénario catastrophe dans lequel on peut sans surprise déjà prévoir le prochain rebondissement : une putain de canicule.
En d'autres termes, nos vieux ne sont pas à l'abri d'une vague de chaleur meurtrière.
C'est très cynique ce que je m'apprête à écrire, mais avec un peu de recul je pense qu'on paye le prix d'une génération de boomer qui a tout eu et tout gaspillé.
Résultat on se retrouve avec ce monde à l'agonie...finalement ils ont peut être ce qu'ils méritent au fond : mourir en premier.
Attention, que l'on soit bien d'accord, loin de moi l'idée de vouloir du mal à ma petite vieille de voisine.

Vous vous demandez surement ce que je suggère pour changer tout ça?
Non parce que dénoncer ça va bien 5 minutes, mais il faut aussi proposer des solutions à la hauteur du problème. Histoire d'avoir un débat constructif.
Tout d'abord, je ne pense pas que l'effort doit venir uniquement des grandes industries (pétrochimique, textile, agroalimentaire) et des politiques.
Nous, citoyens avons une capacité/force d'influence et l'a sous-estimons gravement.
En tant que consommateur et électeurs, nos choix conduisent aux décisions qui sont prises. Il y a l'offre et la demande.
C'est aussi simple que ça.
Personnellement, je me définis comme un écolo de droite totalitaire. Moins de liberté, plus d'égalité.
Dans un monde idéal, chacun aurait une consommation raisonnée et éthique, mais nous savons tous que ça n'arrivera jamais.
Je crois que l'humanité à besoin de règle pour devenir rationnelle, au lieu de ça, c'est la nature qui se chargera de rétablir l'équilibre comme c'est malheureusement le cas aujourd'hui.
Pour cela, faut-il encore que les contraintes imposées par des lois soient suffisamment strictes pour être respecté.
C'est pourquoi je pense que tout à chacun devrait être assujetti à un pacte citoyen annuel.
Je m'explique : imaginez devoir faire des choix de consommation annuels pour ne pas dépasser un quotient personnel CO2.
Que choisiriez-vous ? Pouvoir consommer 50 kg de viande ou partir 1 fois en vacances à l'étranger avec des vols longs courriers ?
Posséder une voiture ou prendre les transports et le vélo?
Évidemment, cette simple mesure ne suffirait pas.
Il faudrait ajouter à ça la régulation et répartition stricte de la population (démographie) par le contrôle des naissances avec la mise en place d'un permis de procréer (après tout il faut bien un permis de travail, permis de conduire et un permis de construire) sous certaines conditions médicale, financière et psychologique.
Ainsi que la généralisation des circuits courts, la permaculture et proscrire l'utilisation des pesticides et de produit ménager chimique.
Ou d'autres normes encore comme l'interdiction d'extraire du gaz de schiste, l'harmonisation des systèmes de chasse d'eau avec de l'eau non potable, recyclage et compostage obligatoire, la réétude complète de l'espace public et la géothermie des villes...
Vous voyez, les idées de mesures facilement applicables ne manquent pas, seule la volonté semble être absente des tables de négociations.
Arrêtez-moi si je me trompe, mais "se rationner", c'est ce qu'on fait en temps de guerre non ? Et c'est bien ainsi que la crise sanitaire est qualifiée par les politiques.
Alors qu'attendons-nous pour agir concrètement?
Si nous ne prenons pas de décisions fortes, nous finirons par nous éteindre d'une façon ou d'une autre. L'humanité est une menace pour elle-même et les autres espèces.
Comme un certain Albert Einstein a dit « Trois bombes menacent le monde: la bombe atomique, qui vient d’exploser, la bombe de l’information, qui explosera vers la fin du siècle, la bombe démographique, qui explosera au siècle prochain, et qui sera la plus terrible. »
Maintenant, libre à vous d'interprétez ce que je viens d'écrire comme le manifeste d'un végan extrémiste.
N'oubliez pas cependant que si vous avez préféré ignorer les causes jusqu'à présent, vous ne pouvez pas prétendre en ignorer les conséquences plus longtemps.
PUTAIN! Voilà que je me mets à parler tout seul comme un méchant de James Bond!
Et puis il est bientôt 20h, il faut que je prépare pour mon show quotidien.

Ce soir, j'ai choisi d'interpréter une reprise de Green Day, avec comme à chaque fois, quelques ajustements sur les paroles. Histoire de contextualiser avec un peu de sarcasme et de ramener un peu de légèreté dans le voisinage le temps d'une chanson. J'ajuste les réglages de l'ampli, monte le volume de ma guitare et entonne le début de "Wake me up, when quarantine ends".
Au fil de la chanson, je gagne en assurance, si bien que je m'aventure à regarder ailleurs que mon manche et la première chose que je vois c'est le sourire de ma voisine d'en face.
Cela me trouble momentanément, je fais un pin, mais parvient à reprendre sans m'arrêter en espérant que personne ne l'est entendu. Les applaudissements m'accompagnent et me déstabilisent parfois dans le rythme, mais ils ne sont pas pour moi.
Ils sont pour le personnel soignant, les chauffeurs routiers, les femmes de ménage, les policiers, les caissières, les pompiers, les éboueurs. Mais ce magnifique sourire, il m'est bien adressé, rien que pour moi.Et dire que les moments qui rassemblent (comme celui-ci) sont si rares ici, même le 14 juillet n'est plus aussi fédérateur. J'essaie de me souvenir de la dernière fois ou c'était le cas, ce devait être le 15 juillet justement, pour la victoire en finale de l'équipe de France de football.
20h05, tout le monde ferme sa fenêtre puis retournent à ses occupations et quant à moi c'est à ma solitude geek. Je n'ai pas le gout de jouer alors je me pose devant Netflix.
Mentalement, je dresse mon top film pandémie/confinement :
- Contagion
- Alerte!
- take shelter
- It comes at night
- 28 semaines plus tard
- L'armée des morts
- 10 Cloverfield Lane
- Shinning
- L'armée des 12 singes
J'opte pour le dernier de la liste, si le film était basé sur ce qu'il se passe, il devrait s'appeler l'armée des douze pangolins! C'est dingue comme le film fait écho à ce qui se passe dans notre monde, la fiction rejoint la réalité dans l'horreur. Au début on parlait juste d'un virus transmis de l'animal à l'homme et voilà que maintenant on envisage sérieusement la piste du laboratoire chinois de Wuhan.
Quel retournement de veste!
Ce sont les complotistes qui doivent jubilés qu'on leur donne finalement raison ou du moins que l'on prend en considération sérieusement leurs théories habituellement/généralement jugées fantaisistes.
Sinon quelqu'un a des nouvelles des anti-vaccins ? On ne les entend plus. Probablement mort.
Tout comme les survivalistes, surement en train de se savourer une bonne boite de conserve dans leurs bunkers. Auraient ils assez d'humour pour accompagner leurs repars d'une petite bière Corona ?
Je ne vais pas leur jeter la pierre, il faudrait être inconscient pour ne pas se sentir préoccupé par l'actualité. Une longue succession d'événements apocalyptique (guerres, cataclysmes naturels et maintenant pandémie) que l'on pourrait volontiers retrouver dans le Nouveau Testament.
On est à trois claquements de doigts de notre extinction en tant qu'espèce.
Il suffirait d'un tremblement de terre, d'un tsunami, d'une éruption volcanique, d'incendies ou un incident provoqué par l'homme comme une fuite dans une centrale nucléaire, d'une marée noire et j'en passe. Ce ne sont pas des peurs irrationnelles, mais des probabilités. Nos survivalistes s'informent de trop jusqu'à basculer dans la paranoïa quand d'autres choisissent de faire les autruches.
Mais ils ont tout de même un point commun, leurs gouts pour l'enfouissement.

Nouveau jour de confinement et je ne sais même plus quelle date on est déjà.
En me regardant dans le miroir, j'envisage sérieusement à me raser le crâne, peut-être une influence du film de la vielle. Je réalise que si je fais ça, la seule différence que j'aurais avec un détenu d'une prison française, ce ne sera pas le confort moderne de mon appartement avec téléviseur, console de jeu derrière génération et internet. Non, tout ça il l'on déjà dans leurs petites cellules parfois plus grandes que certains appartements parisiens.  Et donc la seule différence, c'est que le prisonnier au moins sait quand il va sortir et retrouver sa liberté. De ma fenêtre, toujours, j'observe mon petit monde en fumant ma clope(?), un peu comme dans fenêtre sur cour sauf que je n'ai pas une jambe dans le plâtre ni de jumelle. Manquerait plus que je passe pour un pervers.
Et il suffit que je dise ça pour que la jolie voisine d'en face passe par là avec son chien en me souriant. Bizarrement depuis le confinement, elle semble plus réceptive, alors qu'avant, quand on se croisait pour récupérer le courrier, jeter les poubelles ou même si elle fumait une cigarette sur son balcon, elle m'ignorait poliment. Était-ce par timidité ? Je ne sais pas et je le suis moi-même bien trop pour le lui demander. Ça me fait penser qu'il faut que je trouve quelle chanson je vais chanter ce soir.
En regardant la TV, je plaque quatre accords sur ma guitare et tombe sur des images d'une centaine de voiture formant une longue file d'attente pour le drive d'un Macdonald. Apparemment certains ont fait jusqu'à 3h de queue au macdo, à croire qu'un dépistage ou un vaccin était vendu au comptoir.
Inconsciemment je me rends compte que les accords que je joue en boucle depuis tout à l'heure sont ceux de la chanson "If it makes you happy" de Cheryl Crowe. Je fredonne la mélodie en arrangeant les paroles pour coller avec l'actualité.
Tout cela m'inspire une idée pour une histoire. Mon cerveau entre en ébullition et je prends des notes sur un bloc note.
Pour passer le temps, j'aime bien inventer des récits, écrire des nouvelles, enfin, en plus de celui que je vous raconte en ce moment même.

Et donc là, le concept de cette histoire serait celui d'un virus très étrange qui vous tue instantanément si vous mentez.
Je vous passe les détails médicaux et techniques, mais en gros le mensonge solliciterait une minuscule partie du cerveau des infectés asymptomatiques ce qui aurait pour conséquence la compression fatale de la cage thoracique et du larynx.
Une sorte de mort subite de l'adulte.
Cette maladie fictive s'appellerait "Mysantropia degenerea Hypocrisia" et comme une idée, elle se propage plus vite que toute autre chose.
Un diagnostic du virus compliqué et une identification tardive de la maladie causeraient un nombre de victimes considérable au début de l'épidémie.
Les politiciens seraient les premiers à mourir, suivi des avocats, des banquiers, des assureurs, des astrologues, des numérologues, des prêtres et des journalistes.
Aussi, beaucoup de gens préféreraient se suicider plutôt que de dire la vérité.
Une fois le cadre posé, l'histoire se concentre sur un personnage : un jeune homme qui se sait porteur du virus et contamine tout le monde sur son passage.
Il se baladerait, toucherais les gens dans le métro et même un bébé.
Un camé rentrerait alors dans la rame en débitant son discours habituel pour réclamer de l'argent aux usagers.
En lui donnant une pièce, il demande au SDF si c'est pour s'acheter de la drogue, ce dernier ment et s'effondre immédiatement.
Par la suite, il aurait un projet de plus grande envergure, il voudrait participer à un congrès/meeting politique.
Là bas, il serrerait des mains à tout va, avec un grand sourire psychotique et irait même jusqu'à poser une question fermée à l'auditoire (ou au président?).
Cette simple question fait peser les soupçons sur lui et créerait un mouvement de panique.
Finalement arrêté par la police dans sa folie meurtrière, il est conduit dans une salle insonorisée ou il est interrogé.
S'en suit alors une partie mortelle de "ni oui, ni non" ou même la plus anodine des questions (par exemple : "êtes-vous contaminés?") représente une menace.
Comme si l'enquêteur lui braqué rhétoriquement un flingue sur la tempe.
Afin de cacher son sombre projet et éviter de tomber dans un piège, le jeune homme préfère rester silencieux jusqu'à son procès.
Que ce soit pour mourir maintenant ou sur la chaise électrique, tant qu'à faire, autant gagner du temps.

Une autre idée me vient alors, et si j'inventais un virus qui s'attaque non pas aux plus fragiles physiquement (vieux, gros et asthmatiques) ni aux menteurs, mais cette fois au plus précaire.
Pas économiquement, mais intellectuellement, les imbéciles, les idiots quoi.
Imaginez maintenant un test de dépistage qui consisterait en une opération de mathématique simple, un problème de logique ou même une devinette.
Cette suractivité cérébrale soudaine et inhabituelle chez l'infecté provoquerait d'abord un saignement de nez pouvant entrainer jusqu'à une liquéfaction totale du cerveau.
En cas de réponse fausse, il serait directement pris en charge et placé en quarantaine par les autorités sanitaires.
Quand bien même, une telle maladie existerait cela ne serait pas nécessaire pour décimer les plus bêtes d'entre nous.
Ils le font déjà très bien tout seuls. La sélection naturelle ne chaume pas pendant le confinement et les exemples comme les candidats au "darwin award" ne manquent pas.
En premier lieu, les imbéciles qui se sont rués inutilement pour faire les courses le premier jour créant une pénurie artificielle et risquant d'attraper le virus en allant s'entasser dans les magasins.
Dans une autre catégorie, vous avez aussi eux qui se sont empoisonnés à la Chloroquine ou en se lavant les dents à la Javel.

J'en reviens à ma chanson du jour, il faut que j'accorde ma guitare et m'installe sur ma fenêtre pour 20h. En face, sur son petit balcon j'aperçois ma jolie voisine qui attend...je l'espère la même chose que moi. "Cette chanson est dédiée à toutes ces personnes courageuses qui ont la patience d'attendre 3h au drive d'un fastfood!" Non sans un petit trac, je commence à jouer le morceau avec ma couronne en carton de Burger King. Au refrain, je la vois qui fredonne avec moi les paroles :
"If it makes you fluffy,
You can be that fat,
If it makes you fluffy
Then why the hell you go to macdonald's."
"If it makes you hungry,
You can eat a hat,
If it makes you hungry,
Then why the hell you don't eat salads"

Cette fois en plus d'un beau sourire, j'ai droit à un message sur une ardoise.
Le hic c'est que même si on a un gros vis-à-vis, j'ai du mal à lire ce qui est écrit dessus.
Je crois déchiffrer "Passe moi ton sel", mais je dois me tromper, ça ne veut rien dire.
Pour lui répondre j'utilise ma tablette, mais j'imagine qu'elle ne voit pas bien non plus alors je prends une feuille de papier et inscrit mon message :
"Appel moi au 0654818513, ton admirateur secret." Puis je le plie de façon à en faire un avion.
Je mouille mon index pour connaitre le sens du vent et envoie mon engin en papier dans sa direction.
C'est sans compter sur ma "loose" légendaire qui fait dévier de sa trajectoire le projectile qui pique du nez et atterrit dans le jardin de ma vieille voisine du rez-de-chaussée.
Ma jolie voisine me fait un signe "laisse tomber" et nous rigolons tous les deux aux éclats.
Tandis qu'elle rentre à l'intérieur de son logement, je pense au message inscrit sur mon avion en papier que ma vielle voisine va surement lire demain.
Espérons qu'elle ne le prenne pas pour elle!

Ce matin, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai la pêche, la patate!
Faudrait un jour qu'on m'explique le rapport entre les deux, bref, je m'égare.
Je suis en pleine forme, j'ai même fait quelques étirements, abdos et pompes! Du jamais vu! Mais qu'est-ce qui m'arrive?! Et pour la première fois depuis le début du confinement, je m'habille avec autre chose qu'un bas de survêtement. Ne vous inquiétez pas je prends quand même ma douche journalière! Il est 11h alors je descends voir à la boite aux lettres si j'ai reçu du courrier.
Et devinez qui je croise au rez-de-chaussée ? Ma vielle voisine qui sent amoureusement mon avion en papier. Non je déconne, heureusement. C'est ma jolie voisine d'en face qui revient de sa balade avec son chien qui me salut tout sourire avant de remonter à son appartement.
Je suis un peu distrait en la regardant à tel point que j'en oublierais presque le pourquoi de ma venue ici, ma prise de risque hebdomadaire. Ah oui, le courrier!
Dans ma boite aux lettres, je trouve plusieurs courriers dont un de ma mutuelle et ma quittance de loyer, mais aucune brochure publicitaire!
Mon Dieu que c'est apaisant, et dire que l'autocollant "stop pub" sur ma boite aux lettres n'avait jusqu'alors pas réussi cet exploit! Et je ne suis pas au bout de mes surprises, parmi mes divers courriers je découvre un petit mot qui sent le parfum avec un coeur dessiné dessus.
Je n'avais pas reçu ce genre d'attention depuis le collège! Ça me ferait presque quelque chose si je n'avais pas une grosse carapace de 2nd degré. Ni une ni deux, je retourne chez moi. Je vais pour enregistrer son numéro dans mon téléphone, m'interromps et réalise que je ne connais pas son prénom! "Voisine" dans un premier temps ce sera très bien.
Qu'est ce que je pourrais bien lui envoyer comme premier message? Il faut que je la fasse rire, mais sans devenir lourd. Je ne sais jamais dosé ce genre de chose dans une conversation avec une inconnue. Allez je me lance, j'ai plus à y gagner qu'a y perdre.
"Bonjour charmante voisine, merci pour le numéro. Moi c'est Alexandre, tu peux m'appeler Alex si tu veux et toi c'est quoi ton prénom?"
À peine ait je envoyé mon message que la réponse me revient. Elle a été rapide.
"Bonjour Mr Maladroit, moi c'est mademoiselle Flauquet, mais tu peux m'appeler Janine.
Elle n'a pas une tête à s'appeler Janine, ça fait un peu vieillot.
Après ça me fait aussi penser à Janine Lindemulder l'actrice porno qui pose sur la pochette de Enema Of The State, l'album culte de Blink-182.
Mais attends, Flauquet...c'est le nom de la petite vielle du rez-de-chaussée! Et ça m'étonnerait qu’elles soient de la même famille, elle se moque de moi.
"Haha très drôle. J'ai failli me faire avoir! Alors comment tu t'appelles?
"Virginie, mais ne t'avise pas de m'appeler Ninie!"
"Enchanté Virginie."
La discussion suit son cours naturellement avec beaucoup d'humour et d'affinité.
Pour éviter de vous ennuyer, je vous en épargne les détails et le surplus d'intimité.
Des SMS nous passons aux réseaux sociaux puis à l'appel téléphonique.
Tout cela s'enchaine si naturellement.
C'est quand même très bizarre d'avoir une relation à distance alors que nous sommes si près à tel point que l'on peut se regarder et se faire coucou à travers nos fenêtres respectives.
Paradoxalement, cette situation semble nous rapprocher, alors qu'on n’aurait jamais osé se parler auparavant.
La vie est étrange parfois.
Avec Virginie on a même envisagé de franchir le pas, de se rapprocher...physiquement.
Mais quelque chose semble la bloquer, j'imagine que c'est sa profession.
Ha oui, vous ne savez pas, normal puisque je vous ai épargné les détails de nos conversations.
Je vais donc vous faire un topo sur Virginie : 25 ans, infirmière, végétarienne (c'est presque un miracle pour moi, même s’il y en a beaucoup maintenant), originaire du sud elle a quitté sa province pour un travail en région parisienne comme beaucoup.

Avec tous ses rires et cette complicité, je ne me rends plus du tout compte du temps qui passe à tel point qu'il m'arrive d'en oublier parfois de manger.
Je prépare mon diner - oh rien de bien gastronomique, juste des pâtes bolognaises façon végétarienne, pas compliquée il suffit juste de remplacer la viande par du haché végétal - et pendant que ça mijote je mets en place mon matériel pour la chanson de ce soir.
Ma version coronavirus de Where is my mind de Pixies.
"Cette reprise est dédicacée aux personnels hospitaliers qui se démènent pendant qu'on mange des chips sur notre canapé.
À ceux qui se gardent bien de faire don de leurs masques aux soignants et qui préfèrent s'en servir pour faire leurs courses. Merci à vous!"
Je lance un petit clin d’œil à Virginie et commence à jouer.

"Ooh, stop
Where're Eggs, toilette paper, pasta, rice ? I can't found!
Trying to do my job while stupids gets out.
You need to jog out ?
But you never did
and only think 'bout yourself!
Where is my mask ?
where is my mask ?
where is my mask?
Way out in the coldroom see them dying."

En mangeant je regarde "Quarantined Cutie", cette vidéo "tik tok" qui fait le buzz en racontant la rencontre d'un couple de New-Yorkais pendant la crise sanitaire.
Si vous ne l'avez pas vu, je vais essayer de vous l'a résumer :
Un mec se fait chier alors il regarde par la fenêtre cette fille danser sur un toit, il l'a salue de la main et elle lui répond. Alors il décide de rentrer en contact avec la jeune femme en écrivant son numéro de téléphone sur un bout de papier qu'il scotche sur son drone. Ouais je sais, ça fait un peu début de film porno. Désolé, le confinement, la distanciation sociale, tout ça me travaillent apparemment.
Et donc ils s'échangent des SMS et vont même jusqu'à dîner en tête à tête...via "facetime". Lui sur son balcon et elle sur le toit de son immeuble.
Après ce premier rendez-vous galant, l'homme décide alors de donner rendez-vous à sa prétendante dans la rue et va redoubler d'ingéniosité pour braver les règles sanitaires en se glissant dans une bulle gonflable géante. Cette chouette petite vidéo me rendrait presque jaloux de ne pas avoir eu l'idée avant son auteur. Elle est presque aussi réconfortante que ce plat de pâtes que je suis en train de manger. Je pourrais en manger tous les jours! Ça tombe bien, car comme à mon habitude j'en ai encore beaucoup trop fait. Et je sens déjà que la digestion va précipiter mon sommeil, ça tombe bien Virginie doit se coucher tôt à cause de son service de demain. On s'envoie quelque "mèmes" par message et nous nous endormons comme des ados, virtuellement l'un à côté de l'autre.

Le matin au petit dej, en me servant avec le paquet de céréales je fit la désagréable découverte qu'il était vide. À qui aurais je pu en vouloir d'autre qu'à moi ?
C'est avec la peur au ventre et surtout la faim que je me prépare pour aller faire les courses.
Gants, masque et lunette de soleil, hélas les apparences sont trompeuses, je ne m'habille pas pour faire du ski. La queue pour entrer dans la galerie marchande s'étend jusqu'au bout de la rue.
Des panneaux semblent indiquer que si vous êtes membres du personnel soignant ou des forces de l'ordre alors vous êtes prioritaires. Enfin en plus des personnes handicapées et des femmes enceintes, bien sûr. Il fallait s'y attendre, vous trouverez toujours des gens sans scrupules pour gruger la file d'attente soit en utilisant un fauteuil roulant ou des obèses qui n'ont pas de grossesse. Dans ce Nouveau Monde libre non binaire, je m'attends même à voir un fhomme débarquer et me passer devant. Mais la palme de la supercherie revient aux enseignes de la grande distribution, "les supermarchés" qui non content d'augmenté indécemment leurs prix (ou plutôt d'ajuster leurs marges directement) sur les produits de première nécessité (allant de l'hygiène au produit laitier) contrôle systématiquement ses clients qui utilise la zappette. Ainsi appliqué, ce service perd toute son utilité.
Et dire que ça été crée pour faire gagner du temps et pourrait dans le cas présent aider à limiter le plus possible les interactions.
Quand on y pense, c'est quand même le comble : le voleur qui vous soupçonne.
Auchan, ils cultivent le mépris de la sécurité de leurs employés (sans compter la fameuse prime qu'ils n'auront pas) et de leurs clients en les surexposant au virus.
Faire ses courses est devenu une véritable partie de" Dead Rising".
Avec tous ces zombies indisciplinés qui rodent dans les rayons l'air hagard, et qui se jettent sur les denrées d'une palette laissée par un magasinier qui revenait pour la déballer.
Et quand vous pensez en avoir fini avec tout ça, il faut encore faire la queue pour passer en caisse.
Si avant la crise sanitaire faire vos courses le samedi relevait du calvaire, maintenant c'est devenu un enfer. Je n’aurais jamais cru un jour avoir peur en faisant mes courses.
Comme pour rajouter à ce climat anxiogène, Virginie ne m'a pas répondu de toute la matiné.
Rationnellement, je sais qu'elle est trop occupée au travail pour m'écrire, mais cela me fait un petit pincement au coeur. Ou plutôt comme une compression de la cage thoracique.
Rien de grave, c'est pas le virus, juste le stress des courses et le confinement qui commence par m'oppresser, j'imagine, peut être même la faim.
Pour remédier à cela, rien ne vaut un bon plat de pâtes bolognaises "végé" de la veille, c'est encore meilleur je trouve quand c'est un peu sec et tiède.
C'est tellement réconfortant de manger un plat comme celui-ci dans un moment pareil.
Je verse le tout dans une poêle et tandis que cela cuit, je lance une partie de rainbow 6 sur la PS4.
Absorbé par mon jeu vidéo, j'en oublie mon repas sur le feu et c'est le détecteur de fumée qui vient à me le rappeler. J'enlève la poêle de la gazinière et sers le tout dans un de ses gros bols que j'affectionne. C'est étrange je ne sens pas l'odeur de grillé.
Je m'installe sur le canapé et mange penché sur ma table basse tout en regardant netflix.
À chaque bouchée je me demande si je sens bien le gout, des aliments que je mange.
Mais je crois que si je me pose la question c'est que quelque part, j'ai déjà la réponse : "je n'ai plus de goût ni d'odorat". Tout cela n'a plus de saveur. Est-ce plus une sensation (ou plutôt son absence olfactive) qu'un sentiment? Sinon, une réaction psychosomatique, qui matérialiserait mon manque de Virginie?  Suis-je en train de devenir dépressif ? Ou dépendant affectif? Peut-on être hypocondriaque pour des maladies mentales ? À moins que ce soit encore plus grave que je ne le craignais et qu'il s'avère que j'ai simplement perdu le gout...de la vie?

Je suis fatigué, j'ai comme une barre au front, une migraine me guette et une sieste s'impose.
C'est peut-être à cause des écrans ou du corona. On verra, je vérifierais ma température.
Il fait très chaud, plus de 25 degrés.
Mes fenêtres sont ouvertes et mes volets mi-clos. Les gosses de la résidence qui hurle en jouant dans leurs jardins, les voisins qui téléphonent sur leurs putains de balcons, tout ça résonne et m'empêche de me reposer convenablement. Et d'un coup un petit orage de chaleur éclate, tout le ferme sa grande gueule, le silence et la fraicheur reviennent comme par magie. J'aurais presque envie de faire la danse de la pluie, pour célébrer ça, mais je suis trop fatigué.

Il est 20h et je n'ai toujours pas de nouvelle de Virginie.
Son volet est resté ouvert toute la journée, mais je ne l'ai pas aperçu, ni avant ni maintenant pour notre rendez-vous quotidien.
Ce soir, pour coller à mon humeur du jour, j'ai choisi de jouer "Stay away" de "Nirvana".
J'avais pensé à "symptom + cure" de "Comeback Kid", j'abandonne cette idée par peur que le voisinage me jette des tomates ou de faire sauter le pacemaker de la petite vieille du rez-de-chaussée.
Déjà que mon avion en papier a du faire monter sa pression.
La nuit tombe progressivement sur la résidence.
Seules, les fenêtres des appartements sont éclairées par les lueurs des télévisions allumées et des musulmans qui fêtent le ramadan.
Avec ma lampe torche je balaie le faisceau lumineux sur les vitres de Virginie sans aucun signe de vie, hormis son chien qui intrigué gratte la porte-fenêtre en aboyant.
Je tenterais bien d'escalader les 2 étages jusqu'à son balcon tel un "Roméo" qui rejoindrait sa "Juliette". De même que je pourrais envoyer des cailloux sur ses vitres, mais ça risquerait de faire des éclats de verre et les voisins appelleraient la police en pensant que je sois un cambrioleur.
Raisonnable, je préfère utiliser mon pistolet nerf avec ses flèches en mousse qui n'abimeront pas les carreaux.
Les questions se bousculent et s'accumulent dans mon esprit : est-elle tombée malade au boulot ou fait-elle juste des heures sup?
Ou s'est-elle fait agresser par la horde de toxicos qui rodent à côté de son travail ?
J'ai lu quelque part que des vigiles étaient obligés d'escorter les soignants de l'hôpital Lariboisière à cause de ces zombies junkies.
Et dire que certains politique de gauche ont émis le souhait de les faire tester et de leurs distribuer des masques prioritairement alors que nos soignants, nos pompiers et nos forces de l'ordre n'en disposent pas suffisamment pour accomplir leurs tâches.
Apparemment on n’a pas le même sens des priorités et clairement, la vie de quelques parasites sociaux me semble dispensable.

Là, perché sur ma fenêtre, mon mirador de fortune (il me manque toujours les jumelles), je l'attends comme si j'étais un labrador.
N'empêche que ça ferait de belles paroles de chanson.
Au beau milieu de la nuit, je vois la lumière du hall éclairer la cour intérieure, c'est Virginie qui arrive enfin. J'ai envie de lui sauter dessus et de la réconforter de cette éprouvante et interminable journée de travail qu'elle a dû enduré. Au lieu de ça, je l'observe tapi dans l'obscurité quand je reçois un SMS bruyant de sa part qui éclaire mon visage. Je suis démasqué, je lui fais un signe de la main et elle rigole.

Ce matin j'ai décidé de me lever tôt pour lui préparer le petit déjeuner, ou plutôt le lui déposer devant sa porte.
Je suis passé à la boulangerie lui acheté des viennoiseries, lui ai fait coulé un café au lait dans un thermos, puis j'ai emballé le tout dans un sac en papier et accompagné d'un petit mot mignon.
Une fois réveillée, elle m'appelle pour me remercier de l'attention et pour s'excuser de ne pas avoir pu me donner de nouvelle hier.
Elle me confie qu'elle a passé une des pires journées de sa vie, une véritable hécatombe.
Dans le même moment, je lis voit sur la télévision restée allumé, le bandeau d'information qui défile et confirme ce qu'elle me raconte au téléphone.
Hier était le plus gros bilan de mort journalier.
Virginie n'a pas parvenue à trouver le sommeil de la nuit.
En état de choc, elle ne pouvait s'empêcher de revoir mentalement défiler toutes ces civières et ces brancards pleins de cadavres qui sont conduit de la réanimation à la morgue et aux chambres froides, qui s'entasse dans les couloirs ou pire que tout dans remorques de camion frigorique.
Ne sachant quoi répondre et voulant la réconforter, je lui propose de se rejoindre en dehors de la résidence pour discuter et de s'assoir sur un banc au soleil.
Tout en respectant la distanciation sociale de rigueur, je tiens à le préciser.
À sa voix, je sens qu'elle en a envie autant que moi, mais que quelque chose semble la déranger.
Les mots dans sa bouche finissent par matérialiser ce que je redoutais.
Virginie ne veut plus qu'on se voie...physiquement, du moins avant que la crise sanitaire ne soit finie.
Bien que cela soit trop tentant et c'est aussi trop dangereux pour moi me dit-elle.
Inquiète, elle ne cesse de me répéter : "ce n'est pas une petite grippe ni une MST, c'est bien plus grave et virulent que ce que l'ont croit".
Et je ne s'aurais dire si ce sont mes arguments tendant à la rassurer ou sa volonté de se faire convaincre qui l'a décida, mais nous finissons par nous retrouver à l'extérieur.

C'est la première fois que nous nous rencontrons en vrai.
Bien sûr, ce n'est pas comme si nous étions de parfaits inconnus avec toutes ses conversations téléphoniques et sur les réseaux sociaux.
Mais la voir en vrai, sentir l'odeur de son parfum et pratiquement pouvoir la toucher...me décontenance.
J'en perds mes moyens, je me surprends même à bégayer et à trembler par moment.
Virginie, trouve sa mignon.
Pour moi, c'est plutôt embarrassant, mais si cela lui plait je ne vais pas m'en plaindre.
En me regardant droit dans les yeux, elle me murmure "ce serait bien d'avoir un peu d'intimité".
Je ne suis pas sur d'avoir bien entendu, peut être parce qu'elle l'a chuchoté/susurré.
À mes oreilles cela a raisonné comme un "j'ai envie de toi".
En essayant de rassembler toute mon assurance, je lui bredouille "Mais comment faire en respectant les règles d'hygiènes et de santé?" Virginie me lance un clin d'oeil, et me fait signe du doigt.
"Suit moi, j'ai une idée."

De sa main gantée elle prend la mienne et me guide/conduit jusque devant la porte de son appartement. Là, dans ce couloir nous nous déshabillons.
Excité, j'avoue avoir un peu de mal à retirer mon pantatalon à cause de mon érection.
Pas le temps d'enfermer dans un sac nos vêtements, nous les laissons sur le palier.
Je continue de la suivre et elle me conduit vers la salle de bain. Elle m'invite à entrer dans la baignoire. Nous découvrons nos corps nus ruisselant sous l'eau du pommeau.
Je commence à la savonner, caresse sa peau avec la fleur de douche et je vais pour l'embrasser quand celle-ci tourne la tête dans l'autre sens/évite mon étreinte/a un mouvement de recul.
Virginie attrape sa serviette et se sèche en m'expliquant que l'on doit prendre nos précautions.
Elle ne veut pas me contaminer et je ne veux surtout pas partir, alors je n'ai plus qu'à écouter la solution qu'elle suggère pour assouvir nos pulsions.

Je découvre son grand studio, agencé de façon à séparer le coin-cuisine de la partie chambre où nous nous installons. À moitié dénudée, elle s'allonge sur le lit tandis que je m'assois sur le fauteuil qu'elle me désigne. Nous nous caressons, nous masturbons sans jamais toucher l'autre, à distance en s'observant. Elle fouille sous son oreiller et me balance un truc sur le torse.
Surpris, je constate qu'il s'agit d'une télécommande...pour un sex-toy connecté.
C'est donc ça le futur? Moi, en Luke Skywalker nettoyant son sabre laser devant un hologramme sexy de princesse Leïa. Non, c'était pour la vanne, honnêtement ce serait plus proche de "Démolition man" avec sa scène de sexe virtuelle sans contact charnel.
Mon excitation luttant contre mes aprioris négatifs, je la regarde se caresser et élargir sa cavité pour y insérer ses doigts puis l'objet. Elle me dévisage, un sourcil relevé en s'écartant les lèvres comme pour me montrer toute l'excitation qu'elle cacherait à l'intérieur. Jusque là, je pensais que pour déterminer ce qui est réel, le toucher était indispensable et le concret devait être palpable.
Mais je me trompais.
Aujourd'hui, je ne découvre pas seulement une nouvelle partenaire, mais une toute nouvelle façon de faire l'amour. Et le sexe ne m'a jamais paru aussi intense que maintenant avec elle.
Tout est plus érotique, l'exaltation est exacerbée. Nous jouissons comme jamais je ne l'aurais imaginé.
Son chien comateu dans son panier, ouvre partiellement un oeil à chaque gémissement de sa maîtresse puis se rendort comme si de rien n'était.
C'est étrange de ne pas l'embrasser ni de la toucher. J'aurais presque l'impression d'être avec une prostituée, une camgirl ou une fille qui aurait de l'herpès à la différence que j'ai des sentiments pour elle.
Tandis que je m'essuie, elle allume la télé.
Une chaine d'information en continu diffuse des images de manifestations anti-confinement aux USA. Bande de covidiots! Je suis sidéré par tant de bêtise. Remarque, en France les gilets jaunes et les pues la pisse de tout horizon s'impatiente à l'idée de pouvoir reprendre leurs sports national : l'ivresse publique en manifestations.
Allez-y, vous pouvez bien crever pour votre fichue liberté, mais ne demandez pas à ce que l'on vous soigne après. C’est pas comme si ce n’était pas déjà le cas avec ce fichu 2nd amendement, ces armes que vous chérissez vous tuent plus qu'elles ne vous protègent. Après tout quand on sait que ce sont les mêmes personnes qui ont voté pour un président qui suggère sérieusement d'injecter de la javel et de faire des séances d'UV pour guérir les malades. J'imagine qu'ils ont les dirigeants qu'ils méritent.
Là bas, certains organisent même des "covid party", où de jeunes insouciants se soulent (ne sont-ils pas suffisamment abrutis en temps normal?!) et se transmette le virus, espérons qu'ils deviennent avec ça les derniers abrutis de leurs lignées.
Évidement, vous avez tout et sont opposé, comme le montre le reportage qui suit sur ces mairies espagnoles qui ont javellisé leurs plages...La bêtise humaine semble sans limites.
J'arrête de regarder, cela m'énerve de trop et il faut que je me prépare pour la chanson de ce soir.
Nous récupérons nos vêtements sur le palier de sa porte, nous rhabillons et regagnons mon appartement. La chanson de ce soir est une reprise d'Oasis.

Today is gonna be the day
That they're gonna throw it back to you
By now you should've somehow
Realized what you gotta do
I don't believe that anybody
Feels the way I do, about you now
Backbeat, the word was on the street
That the fire in your heart is out
I'm sure you've heard it all before
But you never really had a doubt
I don't believe that anybody
Feels the way I do about you now
And all the roads we have to walk are winding
And all the lights that lead us there are blinding
There are many things that I
Would like to say to you but I don't know how

Because maybe, you're gonna be the one that saves me
And after all, you're my hospital.


Partout, ils annoncent le déconfinement pour la date du 11 mai comme si c'était le jour de la libération. Le virus ne va pas disparaitre du jour au lendemain parce que nous l'avons décidé par décret. Certes, chaque jour, des malades guérissent tandis que des nouveaux (qui n'ont pas leur chance) continuent d'être admis en réanimation. D'autres décèdent sans avoir de funérailles décentes.
Face à tout ça, j'ai perdu mon optimiste habituel. Je ne sais pas si nous pourrons un jour reprendre une vie "normale" mais j'ai conscience de ma chance, quand maintenant, vient 20h le soir et que nous chantons l'espoir et la tristesse à l'harmonie.
Je ne suis plus tout seul, non, nous sommes trois, moi, elle et...non ce serait trop beau, elle n'est pas enceinte. Non, la troisième personne, vous le savez depuis le début, c'est vous.
Ceci n'est pas un "happy end", tout ça n'existe que dans ma tête. Bien sur que ma charmante voisine d'en face est bien réelle mais elle ignore totalement mon existence.
La vérité ? C'est que le confinement et la solitude ont eu raison de ma santé mentale.
Et pour être tout a fait franc, je pensais que la folie me guetterait bien plus tard, dans quelques décennies, comme toutes les personnes âgées et seules qui finissent leur vie à Paris.
A ce propos, une odeur nauséabonde remontant des canalisations et de la VMC m'interpelle.
Ma première pensée met en cause la vaisselle qui s'entasse dans l'évier ou la poubelle qui déborde mais une fois tout ceci rangé et nettoyé l'odeur persiste dans mon appartement. Ce n'est que lorsque je descends au local à ordures, en voyant les pompes funèbres embarquer le corps de ma vieille voisine du bas, que je comprends d'où la puanteur provenait. Mon téléphone portable se met à sonner dans ma poche, toujours au bon moment. C'est surement un énième appel de ma psy, elle fera comme ma mère avant elle...Sur mon répondeur, il n'y a qu'elles qui me laissent des messages.
J'imagine que cette fois c'est pour me faire penser à renouveler mon ordonnance et mon traitement.

lundi 10 février 2020

Refoulé

Refoulé


Je crois que je suis bourré, bien sûr, cette affirmation est à prendre avec des pincettes, venant d'un mec complètement déchiré.
En rentrant dans les chiottes de la boite j'ai un premier réflexe narcissique : me regarder dans le miroir.
Mes yeux sont ternes et mes lèvres violacés, comme si je m'étais noyé dans une mer alcoolisé.
Dans le reflet derrière moi, j'aperçois, la porte d'une cabine ouverte avec une silhouette vaguement féminine à l'intérieur, à genoux, la bouche collée contre un trou dans la paroi : un gloryhole.
Un mec sort en remontant sa braguette de l'isoloir adjacent, à la fois soulagé et un peu honteux comme après une confession à l'église.
Je prend sa place et me fait pomper à travers la cloison. Pas de doute c'est un trav, ça suce comme un mec et ça le don de me faire débander direct. Il m'a cassé mon délire.
Oui, parce que bien que je sois homo quand je suis bourré j'ai envie de nana. Je ne me l'explique pas. C'est étrangement drôle, mais c'est comme ça.
Le trav m'insulte vaguement et un autre me remplace tandis que je rejoins mes copines au bar.
Deux mecs les draguent lourdement mais comme ils proposent de nous payer des verres je laisse faire.
C'est quand même dingue que même ici les chiens de la casse nous poursuivent.
A bon entendeur, si les groupes de filles hétéro vont dans les boîtes gay, c'est justement pour vous évitez.
L'avantage d'accompagner un groupe de jolie fille, c'est de pouvoir profiter des verres offert par des étrangers.
Verres, qu'elles refusent bien souvent de boire, car il arrive parfois qu'un putain de prédateur sexuel y glisse de la drogue à l'intérieur. Un cadeau empoisonné, rien que ça.
C'est pour ça que bien souvent, je fini la soirée en total blackout...mais ce soir j'ai opté pour une autre tactique - et peut être parce que toutes les mauvaises idées ont l'air bonnes quand on est bourré - j'ai pensé brièvement qu'embrasser Laurie, ma meilleure amie (sans blague), devant ce groupe de boloss allait régler le problème.
Hélas, rétrospectivement j'aurais dû me douter que c'était le début de nouveaux problèmes que je n'aurais pas soupçonner…

Le réveil est doux et chaleureux, je suis installé, couette bordé, entouré de coussins comme dans un cocon.
Et un énième blackout, j'ai oublié la majeure partie de ce qui s'est passé la veille, sauf ce baiser qui m'a envouté. Magique.
Je peux encore sentir son gloss qui colle à mes lèvres, son parfum imprégner les draps. Normal, je suis chez elle. Surement, m'a-t-elle raccompagnée.
L'amour de ma vie, ma meilleure amie.
Je me fais toute cette réflexion en parcourant sa chambre du regard, entre les photos avec ses parents et ses amies, je suis la seule figure masculine autre que son père, ici.
Il y en a tellement de nous, partout, que l'on pourrait facilement croire  que nous sommes un couple.
En tout cas c'est ce la conclusion hâtive que ferait un inconnu en rentrant ici.
Sauf que moi, je suis gay et elle, ma meilleure amie. Ouai, comme Will&Grace. Putain de référence.
Ca sent bon le café chaud dans la cuisine et je me lève du lit, habillé d'un de ses teeshirt, ridiculement cintré. Encore un cliché gay.
Elle avait cour en début d'après midi, elle m'a fait du café et acheté des viennoiseries, c'est ce qui est écrit sur le petit mot qu'elle m'a laissé sur la table.
J'avale tout ça, et prends une douche. En sortant de la salle de bain, j'enfile un teeshirt et mon regard s'attarde sur sa commode, là où elle place ses sous vêtements.
L'idée à laquelle vous pensez traverse évidement mon esprit mais je m'abstient. Non, je me retiendrais de respirer ses petites culottes.
Mais qu'est ce qui m'arrive?! Je ne comprend pas. Pourquoi toutes ses pensées étranges, malsaines et surtout maintenant.
Cela fait 5 ans qu'on se connait, 5 ans d'amitié, de rire, de pleurs, de complicité, de moments inoubliable, de souvenir partagé et je n'avais jusqu'alors jamais éprouvé...cela.
Je me rappelle encore la première fois que l'on s'est vu, je veux dire notre rencontre, rhoo je veux dire rencontré. C'est quoi ce vocabulaire de lover.
Le putain de champs lexical de l'amour.
Pourtant quand on y pense, ça n'avait rien de glamour, bien au contraire.
C'était à une fête chez Jessica, elle venait de se faire larguer par Enzo avec qui elle était resté 3 ans - c'était son premier mec - elle avait tellement bu qu'elle en avait vomit par le nez et moi naturellement, je l'avais prise en pitié, lui avait tenu les cheveux au dessus de la cuvette des toilettes.
A partir de là, nous sommes devenu inséparable et ceux jusqu'à aujourd'hui.
Je claque la porte de son studio et me dirige vers le métro quand je reçoit un SMS de Laurie.
Celui-ci me dit qu'elle a rencard ce soir mais qu'elle nous rejoindra peut être après.
Et je ne sais pas si c'est la gueule de bois mais je me sens encore un peu malade, comme déprimé.
Jeudi soir c'est soirée étudiante oblige, tant pis pour elle : à moi les petits culs.

Inévitablement et pathétiquement, je suis rentré seul et bourré, mon téléphone complètement perdu à l'image de son propriétaire.
Laurie n'est pas venue, pire, elle ne m'a pas répondu.
Je n'ai pas vomi, j'ai tout garder en moi, avec ma peine. Parfois, je peux être une putain de drama queen.
Dehors, c'est le printemps et je décide à sortir le bout de mon nez, une fois ma nuit de débauche rattrapée, soit à 16h passé.
Julien m'appelle pour me demander si je suis bien rentré et je lui confie ne pas m'être souvenu de la soirée.
Apparemment, selon lui j'aurais sucer un bear sous le comptoir et lui aurait vomit dessus puis aurait quitté le bar en pleurant Laurie.
Ceci expliquerait certainement cette désagréable sensation au fond de ma gorge, surement un poil de couille coincé dedans.
Et dire que je pensais que tout ça était dû à mon allergie au pollen.
Mon portable me signale un double appel, c'est Laurie. Je met en pause Julien et prend la communication.
Je feins que tout va bien mais je suis pratiquement sûr que Julien ou une autre commère lui a déjà tout raconté de mes exploits de la vieille.
Laurie me propose de se faire une petite séance de shopping et de boire un verre après, elle veut me présenter quelqu'un.

On se retrouve aux galeries. Elle me toise gentiment et me lance :"On va te changer des pieds à la tête!"
"C'est pas de la tête aux pieds qu'on dit normalement?"
"Oui, c'est vrai mais comme on va commencer par tes pieds...et tu vas d'abord jeter tes vieilles stan smith, mon cher monsieur!"
Elle passe dans les rayons en imitant Christina Cordula et se retourne subitement vers moi :"Je sais ce qu'il te faut, mon chéri!"
Des Balenciaga! Chaussures plateformes blanche, si avec ça je fais pas encore plus PD que je ne le suis déjà…
"Avec un petit jean skinny et un polo couleur pastel c'est trop Hot!"
Pauvre de moi qui voulait changé de look pour faire moins pedale.
J'ai l'impression que la mode hétéro de manière générale a tendance a lorgner vers le style homo, il en va de la coupe slim aux sourcils épilés et barbes taillés.
Peut-être parce que les créateurs sont en majorité gay? A moins que ce soit parce que les femmes trouvent les PD plus attirants?
Après ce constat, difficile de crier à l'homophobie quand la société ne cesse de s'inspirer des codes de notre communauté.
Quoiqu'il en soit, cela joue en ma faveur et j'aurais tord de ne pas en profiter.
Une fois mon relooking achevé, elle me demande de l'accompagné dans un magasin de lingerie.
Voila, un autre bénéfice de la situation de meilleur ami "supposé gay" mais qui peut véritablement se transformer en supplice mental, la tentation met à rude épreuve mon sang froid.
Toutes ces nuisettes, ces corsets, ces strings, ces culottes, ces shortys qu'elle essaye devant moi, toutes ces belles choses que je vois et ne toucherais jamais.
Cela me rappelle ce sentiment terrible, quand enfant, je savais au pied du sapin, que des cadeaux de Noël joliment emballés étaient destinés à mes cousins.
Et elle a le culot de me demander "tu me trouves comment?"
Je reste sans voix, la bouche sèche, la gorge serré.
Laurie m'imagine surement comme un végan qui rentrerais dans une boucherie alors qu'en fait je suis ici comme un petit garçon dans un magasin de bonbon.
J'en suis maintenant convaincu, les hommes et les femmes ne peuvent pas être amis.
Regardez-moi, malgré mon orientation sexuelle à contre courant, je suis tenté de succombé à la tentation à contre cœur.
Son téléphone se met à sonner, interrompt la séance d'essayage et par la même occasion m'empêche de ruiner notre amitié.
Ainsi nous partons retrouver son mystérieux interlocuteur autours d'un verre.

Evidemment, fallait s'en douter c'est son nouveau mec. "Alban" qu'elle me fait, comme si il était incapable de dire son prénom tout seul.
J'ai envie de lui dire que ce n'est pas nécessaire de le préciser, vu qu'ils ne seront plus ensemble dans quelques jours.
Mais je me tais, je joue le rôle que je suis sensé jouer. Ce qu'elle attend de moi, son meilleur ami, gay.
Pour parfaire ma composition je vais même jusqu'à dire à Laurie que son Alban est beau garçon. Je mens, évidement.
Pendant qu'on commande au bar, Laurie s'absente au toilette, nous laissant tout les deux entre hommes.
Je le toise de haut en bas, un grand maghrébin quelconque, aux cheveux lissés, sourcils épilés et barbe taillé qui porte des chinos slims et des Balenciaga.
D'ailleurs il ne s'appelle pas Alban mais Wissam, il n'assume pas vraiment d'être français mais ce n'est pas son seul dilemme identitaire.
A son silence je peux sentir qu'il est gêné, pas parce que je suis gay, mais que parce qu’il l'est aussi.
Il garde ses yeux rivés sur son téléphone sans me décrocher un mot et je suis certain que si je me connecte sur Tinder je croise son profil dans l'instant. Bingo.
J'ai deux comptes, l'un homo et l'autre en mode femme, ce qui me permet de voir les mecs hétéro.
Y a rien de plus chaud, le fantasme homo par excellence, convertir ou détourner un hétéro le temps d'une nuit. Lui faire la meilleure pipe de sa vie.
Et maintenant je fais quoi?! Il n'est pas sensé savoir que je l'ai retrouvé sur l'appli, ni elle non plus.
Gêné, j'avale mon verre d'un trait en prétextant un truc à faire pour mon mémoire et promet de je les rejoindre plus tard en boite.

C'était La meilleure chose à faire : l'éviter, pas boire hein. Bien au contraire l'alcool à une emprise sur moi, me fait ressentir n'importe quoi.
Je crois m'enivrer pour échapper à mes pulsions refoulées alors qu'en fait je ne fais que m'enfoncer plus profondément dans mes problèmes.
Pendant quelque temps vaut mieu que l'on ne se croise pas, ça finira par me passer à force...ou pas.
Et puis si c'est pour la voir avec son mec autant que je m'abstienne.
Mais je ne vais quand même pas me cloitrer dans mon studio comme un moine, à me laisser ronger par mes pulsions malsaine et puis j'ai soif, merde.
Faudrait pas que je meurs de déshydratation non plus!

Sans surprise, je me retrouve embarqué à la cage par Julien, Nico et Paul mais comme il n'y a personne on décide de finir au Red Zone.
Et donc je suis une nouvelle fois complètement pété à danser sur de la mauvaise musique en buvant de la mauvaise vodka.
Comme dirait les vieux : je fais mauvais genre!
En parlant de genre y a cette petite là, qui est tout à fait le mien.
Avec ces grands yeux verts, ses longs cheveux blond, sa poitrine généreuse et ses fesses rebondies : elle me rappelle vaguement Laurie.
Je me laisse submergé par la déferlante alcoolisé, je me noie littéralement dedans quand cette fille m'embrasse, cela me fait l'effet d'un bouche à bouche qui me ranimerais, m'empêcherais de sombrer dans les abysses.
Hélas, je me rend rapidement compte que ce n'est pas elle que je désire vraiment.
Bien que je sois ivre, mes sens ne sont pas trompé par sa teinture blonde et ses faux ongles, et même en fermant les yeux je remarque que ce n'est pas le bon parfum.
Quelle imposture. C'est aussi ce que semble penser mes potes à mon sujet.
"Et si je me cherchais une excuse, si l'alcool n'était pas la raison qui me pousse à être attiré par Laurie...Et si je l'aimais vraiment?!"
C'est ma dernière pensée presque lucide.

"VVVVVRRRRRRRRR VRRRRRRRRRR" putain de téléphone "VVVVVRRRRRRRRR VRRRRRRRRRR" Il est déjà 16h "VVVVVRRRRRRRRR VRRRRRRRRRR"
C'est Laurie qui m'appelle, elle va encore me demander où jetais hier et pourquoi je suis pas venu à la soirée.
Je laisse sonner et reçois dans l'instant d'après un SMS me signalant un nouveau message vocal sur mon répondeur que j'écoute sans attendre.
Sa voix larmoyante m'annonce qu'elle se sent mal et qu'elle a besoin de me voir maintenant.
Une fois de plus, je ne sais pas quoi faire : accourir à son chevet où la faire galérer?
Finalement je renonce, je préfère être malheureux à ses cotés que malheureux tout seul.
Et puis qui sait? Peut être qu'un jour elle se rendra compte, comme moi que...c'est pourtant tellement évident.
Malgré tout, je suis toujours là, à la conseiller et la consoler quand elle tombe sur des salauds.
C'est d'ailleurs précisément ce qui s'est encore passé, je peux le deviner quand elle ouvre la porte en voyant son maquillage dégoulinant, aux tas de mouchoirs éparses sur le sol et au pot de glace à la fraise posé sur le canapé.
Elle se jette dans mes bras et de l'extérieur nul doute que l'on dirait un couple qui se réconcilie mais il n'en est pas ainsi.
Après qu'elle ai lâché les vannes, elle m'explique enfin ce qui lui cause tant de peine.
Sans surprise elle me raconte qu'il l'a trompé. Je feins la stupeur et me retiens de lui révéler que j'avais croisé son ex sur Tinder, elle pourrait penser que j'ai été déloyal.
J'ai déjà peur de briser notre amitié avec une relation sentimentale alors je ne m'aventurerais même pas à lui dire ce genre de chose.
Rien qu'à l'idée de la blesser sans le vouloir je me sens mal.
On s'enlace longuement, je sens une érection monter doucement dans mon pantalon et je pense qu'elle aussi la sent, c'est pour ça qu'on s'arrête et qu'elle propose de se préparer pour sortir.
Elle veut se changer les idées, c'est ce qu'elle me dit.
La porte de la salle de bain grande ouverte, elle se déshabille comme si je n'étais pas là, ici, à la mater par le biais de mes vues périphériques.
Son portable n'arrête pas de sonner, je reconnais cette sonnerie très caractéristique : c'est celle de l'appli adopte-un-mec.
Me vient alors une idée lumineuse crée un faux profil sur le site et l'a draguer incognito sous le pseudo : Cyranus de Vergéjac.
En plus je connais exactement son type de mec, j'ai juste à faire une recherche sur google pour trouver les photos qui correspondent.
Je réalise que cela ne changerais rien à ma situation puisque au moment de se rencontrer ce serait toujours moi.
A moins que je lui brise le cœur virtuellement pour qu'elle me tombe une nouvelle fois dans les bras, mais...c'est pas ce qui est déjà arrivé aujourd’hui?!
Laurie sort de la salle de bain en me demandant "Comment tu me trouves?", je lui répond "Sexy" puis elle rétorque "ah, toi si t'étais pas PD…" et nous nous esclaffons ensemble.
Je ris jaune, intériorise, voilà à quoi j'en suis réduit pour me sentir proche d'elle, à tel point que je serais même capable de boire sa bouteille de parfum pour avoir un peu d'elle en moi.
Avec l'alcool que contient ce flacon ce serait double peine pour moi.
Il faut que je reste sobre et par la même occasion maître de mes émotions.
Enfin c'est facile à dire mais quand je la vois se déhancher dans sa mini jupe rouge, j'avoue avoir un peu de mal à me maitriser alors je reste accoudé près du bar.
D'un coté j'ai tellement peur de briser notre amitié et de l'autre je la désire tellement...et je ne suis pas le seul visiblement.
Un mec au crane rasé avec un piercing à l'arcade est en train de l'embrasser. Et moi qui pensais qu'il n'y avait que des gays dans cette boite.
Je sens une pointe de jalousie qui vient m'écœurer, alors j'arrête de les observer.
Évidement, il suffit que je détourne mon regard pour qu'elles finissent par se ramener boire un verre au bar avec moi, "pour me tenir compagnie".
Je m'en serais bien passé, surtout qu'elles veulent boire des shots.
Oui, je sais, c'est à cause de l'obscurité environnante, je ne m'en suis rendu compte qu'au moment où elle n'était plus qu'à un mètre de moi : avec le crane rasé, c'est une fille pas un mec.
Une goudou, une butch, une lesbienne quoi. Vous aussi vous avez été trompez, faites pas genre.
Pas faute d'avoir pris la précaution nécessaire, à savoir de l'emmener dans une boite gay, loin de la tentation hétéro.
Naïvement, je ne pouvait pas me douter que la situation basculerais ainsi. Quelle blague cruelle.

Du coup, j'enchaine les verres de shot de Hulk flambé, ce savant mélange de whisky et get27 qui à défaut de décongeler mon cœur me réchauffe le ventre.
Au fond de moi je le sais, je suis toujours aussi triste.
Cela ne tardera pas à remonter à la surface même si je tente de le noyer dans un puits d'alcool sans fond.
Rapidement, je suis dans le mal. Il faut que ça sorte d'une manière ou d'une autre.
Alors je me dirige vers les toilettes en tanguant de droite à gauche, presque vacillant quand je tombe sur mon pote Julien.
"Hey Dylan! ça va?
Julien! bien et toi?
ça va ça va...t'es pas mal entamé on dirait...au fait il parait qu'on t'as vu embrassé une fille au Boka la semaine dernière ?
Ouai et alors?
Ben...je sais pas, disons qu'on se sent un peu trahis dans la communauté.
Je fais ce que je veux! Ca fait quoi si j'aime bouffer de la chatte?!
En fait pour toi c'est juste un effet de mode, comme porter un jean slim ou des Balenciaga.
Pourquoi ? Tu te sent obligé de porter une plume arc-en-ciel au cul, toi?
Et si jetais amoureux de Laurie ça changerais quoi?
T'es complètement déchiré mec!"
A ses mots, je constate que ma vision se trouble et je sens l'univers tourner autours de moi. Je clos la conversation en refermant la porte de la cabine derrière moi.
S'en suivent hauts le cœur et régurgitations, quelqu'un frappe à la porte des toilettes.
Je crois vaguement reconnaitre la voix de Laurie qui parle à Julien le tout noyé dans le brouhaha lointain de la musique et moi dans mon vomis.
Elle regarde par le gloryhole comme si c'était un œilleton en me parlant sans que je n'en comprenne le moindre mot mais je fini quand même par lui ouvrir.
Le cliché ambulant de lesbienne aux cheveux cours et au piercing à l'arcade me soulève et me sort de là.
"Pourquoi y a encore la butch ?" je fais en postillonnant, les dents encore pleines de morceaux du repas de la veille.
Fallait sans douter, je me retrouve une nouvelle fois au sol avec en prime la goudou qui menace de m'en coller une.
Julien s'interpose et me ramasse puis me fou dans un taxi avec Laurie avant que les videurs s'en mêlent.
"Je crois que vous avez des choses à vous dire. Rentrez bien" nous dit-il en fermant la portière de la voiture.

A mon réveil, retour à la case départ, non pas la zone de confort mais plutôt la friendzone. Rêve mouillé pour réalité à pleurer.
On fini par s'y habitué, comme accoutumé ou dépité, une mauvaise gueule de bois.
L'effet indésirable d'une relation sentimentale tant désiré mais pas prêtes de se réaliser.
"J'aime pas te voir dans cet état là. Je m'inquiète pour toi, Dylan. Vraiment." me dit-elle en s'approchant de moi.
"Je sais…"
"Et tu sais que tu compte pour moi? Je serais toujours là pour toi." elle se pose au dessus de ma tête, m'enlace et me caresse les cheveux.
"Toi aussi...tu es la personne qui compte le plus pour moi, la seule qui me connaisse vraiment, je t'aime...mais différemment d'avant…"
Laurie se redresse subitement.
"Je crois surtout que tu as un problème avec l'alcool!" C'est ce qu'elle me répond droit dans les yeux.
"Non c'est faux, justement ça me donne le courage d'assumer...qui je suis et ce que je veux vraiment. C'est mon vrai putain de coming out"
"Mais non, arrête de dire des conneries, tu fais n'importe quoi quand tu es soul." Elle a un mouvement de recul, comme si elle venait de s'apercevoir que j'avais des poux.
"Alors dans ce cas là, je dois être alcoolique…"
"Comment ça? Qu'est ce que tu veux dire par là?"
"C'est pourtant évident, je suis fou amoureux de toi."
Elle me tourne le dos et murmure gravement "Mais qu'est ce que tu racontes Dylan?"
"Je t'aime Laurie."
En un instant je vois son rictus s'inverser jusqu'à s'effacer.
Il n'y a rien de pire que de voir la personne dont vous êtes épris ne pas vous prendre aux sérieux quand vous lui déclarer vos sentiments.
Après un long moment à observer mes réactions, comme si elle s'attendait à ce que je lui fasse une mauvaise blague, elle me fait : "Je ne veux pas être une expérience pour toi."
"Comment ose tu penser ça de moi? Après tout ce temps comment ose tu me prêter de telles intentions?" que je tente de la rassurer en m'approchant doucement.
"Je crois qu'on ne se reconnais plus." Elle pivote doucement avant de sangloter sur mon épaule.
"Mais on est pas des inconnus pour autant." Avec ma main je relève son menton au niveau du mien.
"Je suis perdue." me murmure-t-elle, les yeux dans les yeux.
"Non, regarde on s'est trouvé." Une larme coule le long de sa joue.
"Qu'est ce qui ne va pas?" je lui demande inquiet alors qu'elle m'embrasse.
"Rien. C'est juste que avant, je pleurais dans tes bras parce que j'étais triste et maintenant c'est parce que je suis heureuse."