Immortel
"Il n'y a pas de chance, il n'y a que des opportunités à saisir". Je ne me rappelle plus qui disait ça, si vous le savez faites le moi savoir que je lève mon cul de ce lit d’hôpital pour lui en coller une. Car si c'était effectivement le cas je ne serais pas ici pour en parler. Comment j'en suis arrivé la ?! parfois je me le demande. Si je devais le raconter, ce serait à la manière d'une mauvaise blague.
- scénario improbable numéro 1 :
- scénario improbable numéro 1 :
Vous êtes dans le sous-sol de votre maison, en train de bricoler le compteur électrique et vous coupez le mauvais fil.
Pas de bol, 1 chance sur 126 de mourir par électrocution et me revoilà, de retour dans cette chambre verte et blanche.
Ces choses là arrivent à tout le monde, tous les jours. Dites vous que ça aurait pu être pire, ça peut toujours l’être... Prenez mon voisin de chambre, là allongé sur le lit, qui me sourit bêtement.
- scénario improbable numéro 2 :
Vous vous baladez et le temps se couvre rapidement. Pris dans l'averse vous vous précipitez sous le seul arbre que vous voyez pour vous mettre à l’abri...
...Enfin je suppose que ça c'est ce qu'il pensait sur le moment, jusqu’à ce que la foudre le frappe et dresse des cheveux blancs sur sa tête, lui faisant paraître vingt ans de plus. D'ailleurs elle n'a pas fait que des dégâts physiques, elle a aussi grillé son psychisme, l'a carrément abruti même, résultat quand Flash - c'est son surnom - ouvre la bouche, on lui en donne vingt ans de moins.
Savait-il seulement de combien étaient ses chances de se faire foudroyer ? Que celles-ci étaient de 1 pour 158 ?
Bien sûr, les optimistes vous répondront que sur l'échelle de la mortalité le risque est moindre. Ce qui n'est pas complètement faux, si on ne tient pas compte de certains cas où des personnes en sont victimes plusieurs fois au cours de leur vie.
Cependant quand on sait que les chances de mourir sont de 1 sur 1, et que chaques jours 155 000 personnes sont concernées, les choses vous apparaissent différemment.
AAAAAAhhhh!!! AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAhh!!!!
Ca c'est "Freddy" que l'on entend à travers la cloison, "Freddy" - on le surnomme comme ça car sa peau ressemble à celle du personnage de films d'horreur - qui hurle une fois de plus parce qu'il a croisé son reflet de grand brûlé dans une quelconque paroi vitrifiée de l’hôpital.
- scénario improbable numéro 3 :
Ivre, vous loupez le goulot avec votre bouche et renversez le tiers de la bouteille sur vos vêtements.
Après quoi pour faire marrer vos potes vous vous lancez dans un numéro de cirque : le cracheur de feu par les fesses, en enflammant vos flatulences. Naturellement, votre pet prend feu mais pas seulement - les chances que cela vous arrive étant de 1/1419 vous ne pouviez vous y attendre - la situation devient incontrôlable et vous ne le réalisez que trop tard. Vous devenez une torche humaine.
Dans le couloir "Shannon" nous attend en prenant son déjeuner - si j'en crois les bruits que fait la paille quand elle aspire dedans - sous son voile cachant la partie manquante de sa mâchoire.
- scénario improbable numéro 4 :
Vous trouvez un revolver, sans même savoir s'il est chargé ou non (vous ignorez comment le vérifier) vous vous amusez à faire une roulette russe improvisée avec vos amis, à poser avec l'arme pour immortaliser le moment et partager la vidéo sur les réseaux sociaux. Le revolver contre la tempe, la joue, le menton, dans la bouche et d'un coup un grand bruit sourd. La chance que cela vous arrive 1 sur 340.
Avec "Flash" mon coloc, je salue de ma main gauche - celle qui n'a plus que trois doigts - Shannon et "Freddy" qui vient tout juste de nous rejoindre.
Parfois un simple geste suffit à vous rappeler un évènement marquant, combien vous êtes différents depuis. La vie est impitoyable.
- scénario improbable numéro 5 :
Vous jouez avec un couteau de cuisine à frapper chaque espace entre vos doigts - comme dans cette fameuse scène que vous avez vue maintes fois dans "Alien" de James Cameron - accélérant progressivement le mouvement, jusqu'à vous trancher l'index. Avec votre main droite, à essayer d’arrêter l’hémorragie, vous composez de l'autre - celle qui ressemble maintenant à celle de ET, l'extra-terrestre - le numéro des urgences sur le téléphone de la maison. Chance que ça vous arrive aussi : 1 sur 106.
Maintenant vous savez comment je me suis retrouvé pour la première fois dans cet hôpital, je veux dire bien avant de revenir ici à cause de l’électrocution.
Nous nous dirigeons vers la salle de réunion de l’hôpital pour notre petite séance de discussion habituelle, derrière nous un léger grincement métallique annonce l'arrivée imminente de "Julio" (à prononcer à l'espagnole, le "j" devient un "r") dans sa chaise roulante.
- scénario improbable numéro 6 :
Vous êtes en maillot sur le haut d'une falaise en plein après-midi d'été. Vous vous élancez pour plonger dans l'eau, mais une fois de plus rien ne se passe comme prévu (mourir en sautant 1 chance sur 158). C'est alors que vous manquez de vous noyer (1 chance sur 1112), secouru par des inconnus qui n'ont aucune qualité en secourisme autre que leurs bonnes intentions.
Certains d'entre nous ont plus de chance que d'autres, j'aurais pu finir comme notre ami "Julio". Un accident est vite arrivé. Au moment où vous vous pensez sauvés, tout peut basculer.
- scénario improbable numéro 7 :
Sur le chemin de l’hôpital, l'ambulance se fait percuter par un 38 tonnes. Pas de chance, il y avait pourtant 1 chance sur 85, dont 1 sur 272 en tant que passager et 1 sur 623 si vous étiez piétons. Dieu n'est qu'une statistique.
Nous rentrons dans la salle de conférence, ou Jack et son écharpe dont il ne semble jamais se dévêtir été comme hiver - prend-il sa douche avec ? - pour cacher l’énorme cicatrice qui marque son cou de part en part nous attend.
Il se redresse, pose son livre "Le club du suicide" de Robert Louis Stevenson sur sa cuisse et dit bonjour à tout ce beau monde, un petit commentaire poli et attentioné pour chacun.
A moi, il me demande si j'ai toujours des douleurs fantômes à la main.
Le sujet de la seance d'aujourd'hui est "Quel est le moment où vous vous êtes senti le plus heureux de votre vie ?"
Silence dans la salle, tout le monde se regarde avec un air complice, la même réponse en tête : "Quand j'ai pris la décision de me suicider, que j'ai choisi la date et comment j'allais le faire".
A ce moment "Winnie" fait irruption dans la pièce. Winnie c'est, bien sûr, son petit nom. Il est là, parmi nous, parce qu'il a fourré sa bite dans un nid d'abeilles et a littéralement niquer la ruche, au propre et au figuré. Il s'est retiré après avoir éjaculé, juste avant d'atteindre le seuil critique de piqûres qu'un homme peut endurer. Il a déjoué les plans de la mort, 1 chance sur 71 de mourir par piqûre d'abeille.
En ce qui concernant sa mésaventure, pas de malchance, juste beaucoup de masochisme, encore un coup de ce sadique barbu dans les nuages.
Ca me fait penser que deux jours à peine après mon retour ici bas, j'ai bien cru avoir une nouvelle opportunité qui s'est à nouveau transformée en blague.
- scénario improbable numéro 8 :
L’infirmière vous apporte votre plateau repas, comme il est coutume dans ces lieux, la nourriture est infecte, à tel point que vous vous mettez à vomir (intoxication alimentaire 1/3842) et comme si ça ne suffisait pas l’infirmière s'est trompée dans vos doses de médicaments (empoisonnement involontaire 1/139).
Mais tout cela ne semble pas suffisant pour Dieu qui est d'humeur joueuse ces dernier temps. A moins qu'il ait demandé une révision des statistiques ou une décision politique, il ne semble pas vouloir nous accorder de répit.
Et ce n'est pas comme s'il n'avait pas le choix, la liste des causes de mort est longue, pas besoin d'inspiration. Il pourrait juste nous attribuer une des plus communes. N'importe laquelle ferait l'affaire, une maladie cardiaque (1 chance sur 6), un cancer (1 chance sur 7) ou même un AVC (1 chance sur 28). Mais non, il a fallu qu'il nous les refuse toutes, y compris le suicide (1 chance sur 115). A croire qu'il préfère nous voir souffrir comme des fourmis qu'il brulerait avec une loupe. A plusieurs reprises, il a décliné ma demande d'asile, pour mon corp souffrant, mon esprit malade, mon coeur meurtri, mon âme en peine. Une fois n'est pas coutume vous retournez dans cet hôpital, avec ces mêmes déments en vue d'une hypothétique guérison qui ne viendra pas. Suicidaires et malchanceux, losers nés, incapables de se tuer proprement, incapables de réussir quoi que ce soit, d'entreprendre quelque chose jusqu’à son propre suicide.
Tout ce que nous voulions c'était partir, être libre et en paix mais indépendamment de notre volonté nous sommes condamnés à rester ici.
On ne choisit pas sa vie, pas plus que sa mort.
Certains d'entre nous ont plus de chance que d'autres, j'aurais pu finir comme notre ami "Julio". Un accident est vite arrivé. Au moment où vous vous pensez sauvés, tout peut basculer.
- scénario improbable numéro 7 :
Sur le chemin de l’hôpital, l'ambulance se fait percuter par un 38 tonnes. Pas de chance, il y avait pourtant 1 chance sur 85, dont 1 sur 272 en tant que passager et 1 sur 623 si vous étiez piétons. Dieu n'est qu'une statistique.
Nous rentrons dans la salle de conférence, ou Jack et son écharpe dont il ne semble jamais se dévêtir été comme hiver - prend-il sa douche avec ? - pour cacher l’énorme cicatrice qui marque son cou de part en part nous attend.
Il se redresse, pose son livre "Le club du suicide" de Robert Louis Stevenson sur sa cuisse et dit bonjour à tout ce beau monde, un petit commentaire poli et attentioné pour chacun.
A moi, il me demande si j'ai toujours des douleurs fantômes à la main.
Le sujet de la seance d'aujourd'hui est "Quel est le moment où vous vous êtes senti le plus heureux de votre vie ?"
Silence dans la salle, tout le monde se regarde avec un air complice, la même réponse en tête : "Quand j'ai pris la décision de me suicider, que j'ai choisi la date et comment j'allais le faire".
A ce moment "Winnie" fait irruption dans la pièce. Winnie c'est, bien sûr, son petit nom. Il est là, parmi nous, parce qu'il a fourré sa bite dans un nid d'abeilles et a littéralement niquer la ruche, au propre et au figuré. Il s'est retiré après avoir éjaculé, juste avant d'atteindre le seuil critique de piqûres qu'un homme peut endurer. Il a déjoué les plans de la mort, 1 chance sur 71 de mourir par piqûre d'abeille.
En ce qui concernant sa mésaventure, pas de malchance, juste beaucoup de masochisme, encore un coup de ce sadique barbu dans les nuages.
Ca me fait penser que deux jours à peine après mon retour ici bas, j'ai bien cru avoir une nouvelle opportunité qui s'est à nouveau transformée en blague.
- scénario improbable numéro 8 :
L’infirmière vous apporte votre plateau repas, comme il est coutume dans ces lieux, la nourriture est infecte, à tel point que vous vous mettez à vomir (intoxication alimentaire 1/3842) et comme si ça ne suffisait pas l’infirmière s'est trompée dans vos doses de médicaments (empoisonnement involontaire 1/139).
Mais tout cela ne semble pas suffisant pour Dieu qui est d'humeur joueuse ces dernier temps. A moins qu'il ait demandé une révision des statistiques ou une décision politique, il ne semble pas vouloir nous accorder de répit.
Et ce n'est pas comme s'il n'avait pas le choix, la liste des causes de mort est longue, pas besoin d'inspiration. Il pourrait juste nous attribuer une des plus communes. N'importe laquelle ferait l'affaire, une maladie cardiaque (1 chance sur 6), un cancer (1 chance sur 7) ou même un AVC (1 chance sur 28). Mais non, il a fallu qu'il nous les refuse toutes, y compris le suicide (1 chance sur 115). A croire qu'il préfère nous voir souffrir comme des fourmis qu'il brulerait avec une loupe. A plusieurs reprises, il a décliné ma demande d'asile, pour mon corp souffrant, mon esprit malade, mon coeur meurtri, mon âme en peine. Une fois n'est pas coutume vous retournez dans cet hôpital, avec ces mêmes déments en vue d'une hypothétique guérison qui ne viendra pas. Suicidaires et malchanceux, losers nés, incapables de se tuer proprement, incapables de réussir quoi que ce soit, d'entreprendre quelque chose jusqu’à son propre suicide.
Tout ce que nous voulions c'était partir, être libre et en paix mais indépendamment de notre volonté nous sommes condamnés à rester ici.
On ne choisit pas sa vie, pas plus que sa mort.