Dernière volonté
Cela fait maintenant plus de deux heures qu'on roule, mes articulations me font mal et à chaque secousse due au relief de la route ma tête cogne partout.
Comment je suis arrivé là ? Je ne sais pas. A vrai dire je n'ai pas vu le coup venir j’étais de dos et il faisait nuit, je sortais du boulot et j'allais regagner ma voiture quand...
C'est ma copine qui va me tuer. "Mais où t'as passé la nuit ?! Encore dans une de ces boîtes de strip-tease avec tes connards de potes ?"
Soudain j’entends le volume de la musique augmenter, jusque là le bruit du moteur et des essieux couvrait le son de la radio.
Il me semble reconnaître cet air, on dirait "It's now or never" d'Elvis. C'est notre chanson, je sais que ça peut paraître ringard mais on a notre chanson.
Pour la première fois depuis ma séquestration je craque. Je pleure à la seule pensée de ne jamais la revoir, la femme de ma vie.
Le véhicule ralentit. Le chauffeur arrête le moteur et fait claquer la portière en sortant ce qui m'indique qu'il n'y a qu'une personne.
L'absence de bruit aux alentours elle m'indique que je suis dans le désert. Le métal brûlant de la carrosserie vient me le confirmer.
Le coffre s'ouvre, l'air frais me parvient et me fait l'effet d'une résurrection. Soudain je me sens tiré par le col et balancé à terre.
Mes mains sont liées à mes pieds de sorte que je ne peux me tenir debout.
Le sol est sableux je peux le sentir sur mon visage que je frotte par terre, tentant de retirer en vain le bandeau.
"Qu'est-ce-que vous attendez de moi ?
Putain mais répondez-moi..."
En me redressant je crie, je m’époumone puis plus rien. Le silence. Je tourne la tête dans tous les sens comme si je pouvais voir ce qui m'entoure.
Chercher une issue du regard.
J'essaie de reculer, dans le sens opposé à la voiture quand je sens remonter le long de ma nuque le canon froid d'un revolver.
Je lève la tête pour m’adresser à mon agresseur.
"Vous faites sûrement une erreur. Je suis quelqu'un de bien, je n'ai jamais fait de mal à qui que ce soit! Laissez-moi partir, je ne raconterai rien, je vous le promets".
A peine ai-je prononcé cette phrase, l'arme collée sur ma tempe, que le ressort du chien retentit.
Je le sais je vis mes derniers instants. J'inspire un grand coup puis après un court instant renifle nerveusement. Cette odeur...
L'horreur m’envahit subitement, j'ai peur que toutes mes craintes viennent à se réaliser. Ce parfum... Malheureusement j'en ai la certitude.
Je le reconnaîtrais entre mille, c'est le parfum de ma femme.
"Je vous donnerai tout ce que vous voulez, j'ai de l'argent mais je vous en supplie ne touchez pas à ma femme. Tuez-moi si ça vous chante mais ne lui faites rien."
C'est ce que je hurle en roulant sur moi-même, vautré dans la poussière. C'est trop tard, il appuie sur la détente.
Le déclic que fait la gâchette en tapant sur l'amorce sonne creux, il n'y a pas de balles dans le revolver.
Stupéfait, je n'ose rien dire. Je suis comme mort, et comme quelqu'un qui meurt je me suis chié dessus.
Mes muscles ont lâché sauf mon cœur qui continue à battre encore plus fort.
Il me contourne, s'agenouille devant moi et retire le bandeau de mes yeux.
Ébloui, la première chose que je distingue est le décolleté ravissant de ce que je pensais être un ravisseur.
A ce moment précis, je me demande si je suis mort, ce qui logiquement expliquerait le fait que je sois maintenant au paradis.
Au beau milieu du désert, sous le soleil couchant je retrouve ma femme dans une robe blanche éclatante, souriante les yeux pétillants de joie.
C'est alors qu'elle me demande de l'épouser, de la chérir et de la protéger quoi qu'il advienne jusqu’à ce que la mort nous sépare.