dimanche 10 mai 2020

Sans contact


Sans Contact



À ceux qui ont perdu la vie et à ceux qui les pleures.
À ceux qui ont tout tenté pour sauver des vies, au péril de la leurs.




Comme ça de prime abord, ce récit pourrait passer pour une fan fiction de "Bienvenue à Zombieland", enfin, les zombies en moins.
Si je vous raconte l'histoire d'un geek asocial qui est confiné pendant une pandémie mondiale, c'est bon, vous faites le lien?
Alors évidement, pas de zombie, pas de "double tap", cependant quelques règles de survies similaires sont à observer. Comme la numéro 1, non pas celle qui interdit de parler du fight club...vous savez celle qui dit qu'il est vital d'avoir un bon cardio. Évidemment, ce n'est pas pour les mêmes raisons avec le coronavirus. Mais si vous avez une mauvaise condition physique, une mauvaise immunité ou une pathologie particulière, vous finirez comme les cadavres qui s'entassent dans les chambres froides. Tout bien considéré, je reviens sur ce que j'ai dit sur les zombies.
Quand on y regarde de plus près (attention à la distanciation sociale!) dans ma réalité, les infectés sont majoritairement des personnes âgées.
Sans vouloir manquer de respect aux morts, on peut facilement faire le parallèle. Simple constat.
Y a qu'a les voir errer et déambuler dans les supermarchés, plusieurs fois par semaine avec leurs chariots de course qu'ils trainent derrière eux, comme si rien n'avait changé.
À utiliser leurs pièces de monnaie au lieu de payer par carte en sans contact (tout est dans le nom) ou mieux de se faire livrer.
Non, à la place, ils préfèrent venir faire leurs courses aux heures de pleines affluences, dans la cohue à la recherche d'un semblant de vie sociale.
Ils semblent ignorer que s'ils meurent, personne ne viendra à leurs funérailles.
Et pendant que les hystériques se ruent sur les étalages, se disputent les derniers rouleaux de papiers toilette, boites de conserves, paquets de pâtes et œufs.
À n'en pas douter, ce sont les mêmes qui s'écharpaient pour du Nutella il y a quelques mois de ça.
Maintenant, ce sont aussi eux que l'on voit se presser avec leurs chariots remplis de papiers toilette et de coca comme si une épidémie de gastro les menacer.
N'ont-ils rien compris au symptôme du coronavirus? À moins qu'ils ne soient tellement terrifiés qu'ils s'en chient dessus?
Dans ce cas, je leur suggère de reporter leurs attentions sur les alaises et les couches pour adultes.
Et encore que là aussi, il se seraient capable de foutre sur la gueule des petits vieux.
Ces personnes âgées que l'on retrouve non loin des surgelés - ça sera pour plus tard - aux rayons fruits et légumes en train de mettre leurs petites mains pleines de microbes préhistoriques sur les clémentines. À les voir les farfouiller, les tâter comme si c'était les boules numérotées de la tireuse d'un loto macabre. Ou comment passer directement au service réanimation d'un hôpital, sans passer par la case EPHAD. Ça fera moins de retraites à payer, c'est les technocrates de Bercy qui doivent se frotter les mains (avec du gel hydroalcoolique?).

Sans transition, l'économie est devenue un vecteur indirect de transmissions virales. Ce n'est pas un argument pour risquer la vie des gens.
Puisque c'est à cause d'elle que tant de pays ont eu du mal à fermer leurs frontières et à prendre des mesures de confinement strictes.
Retrouver leurs souverainetés élémentaires pour préserver la santé de ses citoyens.
De mes fenêtres qu'elles soient réelles ou virtuelles, je peux observer tout ce beau monde plein de civisme et d'humanité.
Il y a les confinés qui respectent les règles sanitaires et les cons finis qui font n'importe quoi.
Le plus drôle, c'est que ce seront ces mêmes gens qui viendront pleurer aux urgences et s'énerver que leurs prises en charge ne sont pas assez rapides.
Mais il ne faudrait surtout pas qu'on empiète sur leurs petites libertés.
D'ailleurs, il y a ceux qui devraient être enfermés et qui pourtant sont dans les rues.
Les voleurs et revendeurs de masques sous le manteau, et pire encore, ceux qui les achètent à ces gens. C'est sans compter sur les opportunistes qui trouvent toujours une bonne occasion de faire de l'argent sur la misère d'autrui.
Ceux qui augmentent leurs prix pour leur propre profit. C'est sur, la vie ainsi a quelque chose de plus...écœurant!
N'oublions pas les tueurs politiques, ceux qui conseillent l'immunité collective. Vous voulez mon avis? Ce sont eux, les super contaminateurs.
Et bien sûr, les tueurs négligents, ceux qui se pensent immunisés et se fichent bien de prendre leurs précautions pour ne pas infecter les autres.
Vous comprenez maintenant, pourquoi je me décris comme un geek associable? Je vous avais pourtant prévenu...
Enfin je ne suis pas non plus misanthrope, j'aspire aussi à un peu de chaleur humaine.
Le confinement n'a pas changé grand-chose du côté des sites et applis de rencontre.
Au début je ne cache pas que j'ai eu un petit espoir lorsque le phénomène a poussé les adeptes du ghosting à se manifester sur leurs comptes.
Car avec plus de temps et rien de mieux à faire pour tromper l'ennuie, elles répondaient plus rapidement.
Hélas, j'ai vite déchanté en me rendant compte que ces personnes n'avaient soit rien à raconter, soi était des prostituées ou des brouteurs africains.
Pour le reste, toujours les mêmes têtes, entre la future vieille fille avec ses chats, la cassos mère de 4 enfants de 4 pères différents et la sociopathe en devenir.
En bref, vous l'avez compris, le choix est difficile.

D'après vous, comment je vis le confinement? Plutôt bien je dirais pour un mec qui fait un monologue.
Soyons honnête, ça revient presque à parler tout seul, mais à l'écrit.
Pour répondre à ma propre question, je dirais qu'étant à la base un geek associable, j'aurais pu ne pas remarquer avant un bout de temps que le pays tout entier était confiné, enfin si je n'avais pas regardé les infos.
On ne va pas se mentir, mon quotidien n'a pas vraiment changé, je reste toujours autant de temps devant mes écrans.
L'envie de sortir profiter de l'air - presque redevenu - pur ne va pas me venir maintenant que cela m'est interdit ou limité.
Je ne vais pas non plus me découvrir une soudaine passion pour le running ou la marche nordique. Vous savez ce "sport" complètement con avec des bâtons!
Et puis, ce n’est pas comme si quelqu'un en avait quelques choses à foutre hein?
Seuls mes parents prennent de mes nouvelles.
De tous mes amis, aucun ne m'appelle, c'est un peu navrant à la longue d'être toujours celui qui le fait donc j'ai décidé d'arrêter.
Moi aussi, j'ai une vie tellement prenante que j'en oublie le monde autour.
À croire qu'ils ont tous des téléphones avec abonnement bloqué, un putain de crédit limité comme ce qui se faisait quand on était ados.
C'est aussi ça l'une des grandes désillusions de la trentaine, si vous ne faites pas de gosse, que vous n'êtes pas millionnaire alors vous vous retrouvez sur la touche.
Tout le monde avance dans sa petite vie sans se retourner ni regarder derrière lui.
Et le calme de ma résidence ne saurait me le rappeler/faire mentir.
Ce silence symptomatique du vide autour de moi, quand je joue aux jeux vidéo un casque audio sur les oreilles ou dans le métro avec des écouteurs.
Vous vous retrouvez dans ce que je dis? Alors j'imagine que je ne suis pas le seul dans ce cas, mais attention, nous ne sommes pas ensemble pour autant.
Dans votre petit appartement parisien, personne ne vous entendra crier. Vous êtes comme Ripley et son chat dans sa capsule de survie à dériver seuls dans l'espace.
Le hic, c'est que je n'ai pas de chat non plus, je ne saurais m'en occuper. Parfois je me dis que je suis encore un ado.
Et c'est en observant ma voisine du rez-de-chaussée - une dame âgée avec son chat -  en train de jardiner tranquillement que je m'aperçois que cette référence lui siérait mieux à elle qu'à moi.
La pauvre doit vachement se sentir seule et isolée en ce moment. C'est à ça que ressemble de vieillir en région parisienne.
Ça ne m'étonne pas qu'on retrouve régulièrement des cadavres momifiés ou partiellement dévorés par leurs yorkshires dans leurs appartements.
J'avais lu quelques parts que la solitude est plus meurtrière que l'obésité et presque aussi que le tabagisme.
Tout ça, me fait réaliser que je ne connais même pas son prénom, à peine son Nom et c'est parce qu'il écrit sur la boite aux lettres.
La triste vérité, c'est que je ne connais pas mes voisins.
Est-elle veuve sans enfant ou simplement une vieille fille, qui sait? La gardienne peut-être...et encore.
Quoiqu'elle en soit, son jardin est bien entretenu, et heureusement vu le temps qu'elle y passe dedans.
Les arbres ont retrouvé leurs feuillages, les oiseaux sont revenus, c'est le printemps me direz vous.
Depuis que le confinement à commencé, la planète semble se porter mieux en l'absence d'activité humaine et ce n'est pas un hasard!
Venise a retrouvé la couleur de ses eaux et ses poissons. On à pu observer le retour de la faune sauvage dans certaines villes comme ce puma à Santiago du Chili ou des sangliers dans Barcelone.
Il est nécessaire de le rappeler, si on en est là, c'est entre autres à cause de ses putains de chinois qui braconne et mange tout ce qui respire! Que ce soit pour leurs supposé propriété aphrodisiaque ou leurs saveurs /gastonomique culinaire douteuse.
Enfin, s'il n'y avait qu'eux, hélas, les gens de par le monde continuent de manger de la viande matin midi et soir (peut être même au gouter pour certains),
de rouler en ville avec des putains de SUV, de fumer des cigarettes, de s'acheter des putains de nouveaux téléphones 5G etc.
À croire que se balader avec un compteur linky collé à l'oreille serait bon pour la santé!
Et comme une punition divine, nous voilà contraints de nous confiner alors que les beaux jours sont là. La (la?) température à augmenté, le ciel est dégagé comme rarement en région parisienne, sans nuages de pollution ou de précipitation.
D'apparence cela pourrait sembler agréable, mais ce serait oublié qu'il y a un côté pervers/trompeur à toute chose. Cette chaleur estivale avec cet air de/a nouveau sain était chargé en pollen venant asphyxier les asthmatiques.
La nature en reprenant ses droits nous envoyait par la même occasion un énième avertissement.
Une injonction subtile pour inciter les plus fragiles à rester chez eux.
L'espace d'un instant, on se croirait dans une version 2020 du film "Phénomène" de M Night Shyamalan ou n'importe quel film de Roland Emmerich.
Un scénario catastrophe dans lequel on peut sans surprise déjà prévoir le prochain rebondissement : une putain de canicule.
En d'autres termes, nos vieux ne sont pas à l'abri d'une vague de chaleur meurtrière.
C'est très cynique ce que je m'apprête à écrire, mais avec un peu de recul je pense qu'on paye le prix d'une génération de boomer qui a tout eu et tout gaspillé.
Résultat on se retrouve avec ce monde à l'agonie...finalement ils ont peut être ce qu'ils méritent au fond : mourir en premier.
Attention, que l'on soit bien d'accord, loin de moi l'idée de vouloir du mal à ma petite vieille de voisine.

Vous vous demandez surement ce que je suggère pour changer tout ça?
Non parce que dénoncer ça va bien 5 minutes, mais il faut aussi proposer des solutions à la hauteur du problème. Histoire d'avoir un débat constructif.
Tout d'abord, je ne pense pas que l'effort doit venir uniquement des grandes industries (pétrochimique, textile, agroalimentaire) et des politiques.
Nous, citoyens avons une capacité/force d'influence et l'a sous-estimons gravement.
En tant que consommateur et électeurs, nos choix conduisent aux décisions qui sont prises. Il y a l'offre et la demande.
C'est aussi simple que ça.
Personnellement, je me définis comme un écolo de droite totalitaire. Moins de liberté, plus d'égalité.
Dans un monde idéal, chacun aurait une consommation raisonnée et éthique, mais nous savons tous que ça n'arrivera jamais.
Je crois que l'humanité à besoin de règle pour devenir rationnelle, au lieu de ça, c'est la nature qui se chargera de rétablir l'équilibre comme c'est malheureusement le cas aujourd'hui.
Pour cela, faut-il encore que les contraintes imposées par des lois soient suffisamment strictes pour être respecté.
C'est pourquoi je pense que tout à chacun devrait être assujetti à un pacte citoyen annuel.
Je m'explique : imaginez devoir faire des choix de consommation annuels pour ne pas dépasser un quotient personnel CO2.
Que choisiriez-vous ? Pouvoir consommer 50 kg de viande ou partir 1 fois en vacances à l'étranger avec des vols longs courriers ?
Posséder une voiture ou prendre les transports et le vélo?
Évidemment, cette simple mesure ne suffirait pas.
Il faudrait ajouter à ça la régulation et répartition stricte de la population (démographie) par le contrôle des naissances avec la mise en place d'un permis de procréer (après tout il faut bien un permis de travail, permis de conduire et un permis de construire) sous certaines conditions médicale, financière et psychologique.
Ainsi que la généralisation des circuits courts, la permaculture et proscrire l'utilisation des pesticides et de produit ménager chimique.
Ou d'autres normes encore comme l'interdiction d'extraire du gaz de schiste, l'harmonisation des systèmes de chasse d'eau avec de l'eau non potable, recyclage et compostage obligatoire, la réétude complète de l'espace public et la géothermie des villes...
Vous voyez, les idées de mesures facilement applicables ne manquent pas, seule la volonté semble être absente des tables de négociations.
Arrêtez-moi si je me trompe, mais "se rationner", c'est ce qu'on fait en temps de guerre non ? Et c'est bien ainsi que la crise sanitaire est qualifiée par les politiques.
Alors qu'attendons-nous pour agir concrètement?
Si nous ne prenons pas de décisions fortes, nous finirons par nous éteindre d'une façon ou d'une autre. L'humanité est une menace pour elle-même et les autres espèces.
Comme un certain Albert Einstein a dit « Trois bombes menacent le monde: la bombe atomique, qui vient d’exploser, la bombe de l’information, qui explosera vers la fin du siècle, la bombe démographique, qui explosera au siècle prochain, et qui sera la plus terrible. »
Maintenant, libre à vous d'interprétez ce que je viens d'écrire comme le manifeste d'un végan extrémiste.
N'oubliez pas cependant que si vous avez préféré ignorer les causes jusqu'à présent, vous ne pouvez pas prétendre en ignorer les conséquences plus longtemps.
PUTAIN! Voilà que je me mets à parler tout seul comme un méchant de James Bond!
Et puis il est bientôt 20h, il faut que je prépare pour mon show quotidien.

Ce soir, j'ai choisi d'interpréter une reprise de Green Day, avec comme à chaque fois, quelques ajustements sur les paroles. Histoire de contextualiser avec un peu de sarcasme et de ramener un peu de légèreté dans le voisinage le temps d'une chanson. J'ajuste les réglages de l'ampli, monte le volume de ma guitare et entonne le début de "Wake me up, when quarantine ends".
Au fil de la chanson, je gagne en assurance, si bien que je m'aventure à regarder ailleurs que mon manche et la première chose que je vois c'est le sourire de ma voisine d'en face.
Cela me trouble momentanément, je fais un pin, mais parvient à reprendre sans m'arrêter en espérant que personne ne l'est entendu. Les applaudissements m'accompagnent et me déstabilisent parfois dans le rythme, mais ils ne sont pas pour moi.
Ils sont pour le personnel soignant, les chauffeurs routiers, les femmes de ménage, les policiers, les caissières, les pompiers, les éboueurs. Mais ce magnifique sourire, il m'est bien adressé, rien que pour moi.Et dire que les moments qui rassemblent (comme celui-ci) sont si rares ici, même le 14 juillet n'est plus aussi fédérateur. J'essaie de me souvenir de la dernière fois ou c'était le cas, ce devait être le 15 juillet justement, pour la victoire en finale de l'équipe de France de football.
20h05, tout le monde ferme sa fenêtre puis retournent à ses occupations et quant à moi c'est à ma solitude geek. Je n'ai pas le gout de jouer alors je me pose devant Netflix.
Mentalement, je dresse mon top film pandémie/confinement :
- Contagion
- Alerte!
- take shelter
- It comes at night
- 28 semaines plus tard
- L'armée des morts
- 10 Cloverfield Lane
- Shinning
- L'armée des 12 singes
J'opte pour le dernier de la liste, si le film était basé sur ce qu'il se passe, il devrait s'appeler l'armée des douze pangolins! C'est dingue comme le film fait écho à ce qui se passe dans notre monde, la fiction rejoint la réalité dans l'horreur. Au début on parlait juste d'un virus transmis de l'animal à l'homme et voilà que maintenant on envisage sérieusement la piste du laboratoire chinois de Wuhan.
Quel retournement de veste!
Ce sont les complotistes qui doivent jubilés qu'on leur donne finalement raison ou du moins que l'on prend en considération sérieusement leurs théories habituellement/généralement jugées fantaisistes.
Sinon quelqu'un a des nouvelles des anti-vaccins ? On ne les entend plus. Probablement mort.
Tout comme les survivalistes, surement en train de se savourer une bonne boite de conserve dans leurs bunkers. Auraient ils assez d'humour pour accompagner leurs repars d'une petite bière Corona ?
Je ne vais pas leur jeter la pierre, il faudrait être inconscient pour ne pas se sentir préoccupé par l'actualité. Une longue succession d'événements apocalyptique (guerres, cataclysmes naturels et maintenant pandémie) que l'on pourrait volontiers retrouver dans le Nouveau Testament.
On est à trois claquements de doigts de notre extinction en tant qu'espèce.
Il suffirait d'un tremblement de terre, d'un tsunami, d'une éruption volcanique, d'incendies ou un incident provoqué par l'homme comme une fuite dans une centrale nucléaire, d'une marée noire et j'en passe. Ce ne sont pas des peurs irrationnelles, mais des probabilités. Nos survivalistes s'informent de trop jusqu'à basculer dans la paranoïa quand d'autres choisissent de faire les autruches.
Mais ils ont tout de même un point commun, leurs gouts pour l'enfouissement.

Nouveau jour de confinement et je ne sais même plus quelle date on est déjà.
En me regardant dans le miroir, j'envisage sérieusement à me raser le crâne, peut-être une influence du film de la vielle. Je réalise que si je fais ça, la seule différence que j'aurais avec un détenu d'une prison française, ce ne sera pas le confort moderne de mon appartement avec téléviseur, console de jeu derrière génération et internet. Non, tout ça il l'on déjà dans leurs petites cellules parfois plus grandes que certains appartements parisiens.  Et donc la seule différence, c'est que le prisonnier au moins sait quand il va sortir et retrouver sa liberté. De ma fenêtre, toujours, j'observe mon petit monde en fumant ma clope(?), un peu comme dans fenêtre sur cour sauf que je n'ai pas une jambe dans le plâtre ni de jumelle. Manquerait plus que je passe pour un pervers.
Et il suffit que je dise ça pour que la jolie voisine d'en face passe par là avec son chien en me souriant. Bizarrement depuis le confinement, elle semble plus réceptive, alors qu'avant, quand on se croisait pour récupérer le courrier, jeter les poubelles ou même si elle fumait une cigarette sur son balcon, elle m'ignorait poliment. Était-ce par timidité ? Je ne sais pas et je le suis moi-même bien trop pour le lui demander. Ça me fait penser qu'il faut que je trouve quelle chanson je vais chanter ce soir.
En regardant la TV, je plaque quatre accords sur ma guitare et tombe sur des images d'une centaine de voiture formant une longue file d'attente pour le drive d'un Macdonald. Apparemment certains ont fait jusqu'à 3h de queue au macdo, à croire qu'un dépistage ou un vaccin était vendu au comptoir.
Inconsciemment je me rends compte que les accords que je joue en boucle depuis tout à l'heure sont ceux de la chanson "If it makes you happy" de Cheryl Crowe. Je fredonne la mélodie en arrangeant les paroles pour coller avec l'actualité.
Tout cela m'inspire une idée pour une histoire. Mon cerveau entre en ébullition et je prends des notes sur un bloc note.
Pour passer le temps, j'aime bien inventer des récits, écrire des nouvelles, enfin, en plus de celui que je vous raconte en ce moment même.

Et donc là, le concept de cette histoire serait celui d'un virus très étrange qui vous tue instantanément si vous mentez.
Je vous passe les détails médicaux et techniques, mais en gros le mensonge solliciterait une minuscule partie du cerveau des infectés asymptomatiques ce qui aurait pour conséquence la compression fatale de la cage thoracique et du larynx.
Une sorte de mort subite de l'adulte.
Cette maladie fictive s'appellerait "Mysantropia degenerea Hypocrisia" et comme une idée, elle se propage plus vite que toute autre chose.
Un diagnostic du virus compliqué et une identification tardive de la maladie causeraient un nombre de victimes considérable au début de l'épidémie.
Les politiciens seraient les premiers à mourir, suivi des avocats, des banquiers, des assureurs, des astrologues, des numérologues, des prêtres et des journalistes.
Aussi, beaucoup de gens préféreraient se suicider plutôt que de dire la vérité.
Une fois le cadre posé, l'histoire se concentre sur un personnage : un jeune homme qui se sait porteur du virus et contamine tout le monde sur son passage.
Il se baladerait, toucherais les gens dans le métro et même un bébé.
Un camé rentrerait alors dans la rame en débitant son discours habituel pour réclamer de l'argent aux usagers.
En lui donnant une pièce, il demande au SDF si c'est pour s'acheter de la drogue, ce dernier ment et s'effondre immédiatement.
Par la suite, il aurait un projet de plus grande envergure, il voudrait participer à un congrès/meeting politique.
Là bas, il serrerait des mains à tout va, avec un grand sourire psychotique et irait même jusqu'à poser une question fermée à l'auditoire (ou au président?).
Cette simple question fait peser les soupçons sur lui et créerait un mouvement de panique.
Finalement arrêté par la police dans sa folie meurtrière, il est conduit dans une salle insonorisée ou il est interrogé.
S'en suit alors une partie mortelle de "ni oui, ni non" ou même la plus anodine des questions (par exemple : "êtes-vous contaminés?") représente une menace.
Comme si l'enquêteur lui braqué rhétoriquement un flingue sur la tempe.
Afin de cacher son sombre projet et éviter de tomber dans un piège, le jeune homme préfère rester silencieux jusqu'à son procès.
Que ce soit pour mourir maintenant ou sur la chaise électrique, tant qu'à faire, autant gagner du temps.

Une autre idée me vient alors, et si j'inventais un virus qui s'attaque non pas aux plus fragiles physiquement (vieux, gros et asthmatiques) ni aux menteurs, mais cette fois au plus précaire.
Pas économiquement, mais intellectuellement, les imbéciles, les idiots quoi.
Imaginez maintenant un test de dépistage qui consisterait en une opération de mathématique simple, un problème de logique ou même une devinette.
Cette suractivité cérébrale soudaine et inhabituelle chez l'infecté provoquerait d'abord un saignement de nez pouvant entrainer jusqu'à une liquéfaction totale du cerveau.
En cas de réponse fausse, il serait directement pris en charge et placé en quarantaine par les autorités sanitaires.
Quand bien même, une telle maladie existerait cela ne serait pas nécessaire pour décimer les plus bêtes d'entre nous.
Ils le font déjà très bien tout seuls. La sélection naturelle ne chaume pas pendant le confinement et les exemples comme les candidats au "darwin award" ne manquent pas.
En premier lieu, les imbéciles qui se sont rués inutilement pour faire les courses le premier jour créant une pénurie artificielle et risquant d'attraper le virus en allant s'entasser dans les magasins.
Dans une autre catégorie, vous avez aussi eux qui se sont empoisonnés à la Chloroquine ou en se lavant les dents à la Javel.

J'en reviens à ma chanson du jour, il faut que j'accorde ma guitare et m'installe sur ma fenêtre pour 20h. En face, sur son petit balcon j'aperçois ma jolie voisine qui attend...je l'espère la même chose que moi. "Cette chanson est dédiée à toutes ces personnes courageuses qui ont la patience d'attendre 3h au drive d'un fastfood!" Non sans un petit trac, je commence à jouer le morceau avec ma couronne en carton de Burger King. Au refrain, je la vois qui fredonne avec moi les paroles :
"If it makes you fluffy,
You can be that fat,
If it makes you fluffy
Then why the hell you go to macdonald's."
"If it makes you hungry,
You can eat a hat,
If it makes you hungry,
Then why the hell you don't eat salads"

Cette fois en plus d'un beau sourire, j'ai droit à un message sur une ardoise.
Le hic c'est que même si on a un gros vis-à-vis, j'ai du mal à lire ce qui est écrit dessus.
Je crois déchiffrer "Passe moi ton sel", mais je dois me tromper, ça ne veut rien dire.
Pour lui répondre j'utilise ma tablette, mais j'imagine qu'elle ne voit pas bien non plus alors je prends une feuille de papier et inscrit mon message :
"Appel moi au 0654818513, ton admirateur secret." Puis je le plie de façon à en faire un avion.
Je mouille mon index pour connaitre le sens du vent et envoie mon engin en papier dans sa direction.
C'est sans compter sur ma "loose" légendaire qui fait dévier de sa trajectoire le projectile qui pique du nez et atterrit dans le jardin de ma vieille voisine du rez-de-chaussée.
Ma jolie voisine me fait un signe "laisse tomber" et nous rigolons tous les deux aux éclats.
Tandis qu'elle rentre à l'intérieur de son logement, je pense au message inscrit sur mon avion en papier que ma vielle voisine va surement lire demain.
Espérons qu'elle ne le prenne pas pour elle!

Ce matin, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai la pêche, la patate!
Faudrait un jour qu'on m'explique le rapport entre les deux, bref, je m'égare.
Je suis en pleine forme, j'ai même fait quelques étirements, abdos et pompes! Du jamais vu! Mais qu'est-ce qui m'arrive?! Et pour la première fois depuis le début du confinement, je m'habille avec autre chose qu'un bas de survêtement. Ne vous inquiétez pas je prends quand même ma douche journalière! Il est 11h alors je descends voir à la boite aux lettres si j'ai reçu du courrier.
Et devinez qui je croise au rez-de-chaussée ? Ma vielle voisine qui sent amoureusement mon avion en papier. Non je déconne, heureusement. C'est ma jolie voisine d'en face qui revient de sa balade avec son chien qui me salut tout sourire avant de remonter à son appartement.
Je suis un peu distrait en la regardant à tel point que j'en oublierais presque le pourquoi de ma venue ici, ma prise de risque hebdomadaire. Ah oui, le courrier!
Dans ma boite aux lettres, je trouve plusieurs courriers dont un de ma mutuelle et ma quittance de loyer, mais aucune brochure publicitaire!
Mon Dieu que c'est apaisant, et dire que l'autocollant "stop pub" sur ma boite aux lettres n'avait jusqu'alors pas réussi cet exploit! Et je ne suis pas au bout de mes surprises, parmi mes divers courriers je découvre un petit mot qui sent le parfum avec un coeur dessiné dessus.
Je n'avais pas reçu ce genre d'attention depuis le collège! Ça me ferait presque quelque chose si je n'avais pas une grosse carapace de 2nd degré. Ni une ni deux, je retourne chez moi. Je vais pour enregistrer son numéro dans mon téléphone, m'interromps et réalise que je ne connais pas son prénom! "Voisine" dans un premier temps ce sera très bien.
Qu'est ce que je pourrais bien lui envoyer comme premier message? Il faut que je la fasse rire, mais sans devenir lourd. Je ne sais jamais dosé ce genre de chose dans une conversation avec une inconnue. Allez je me lance, j'ai plus à y gagner qu'a y perdre.
"Bonjour charmante voisine, merci pour le numéro. Moi c'est Alexandre, tu peux m'appeler Alex si tu veux et toi c'est quoi ton prénom?"
À peine ait je envoyé mon message que la réponse me revient. Elle a été rapide.
"Bonjour Mr Maladroit, moi c'est mademoiselle Flauquet, mais tu peux m'appeler Janine.
Elle n'a pas une tête à s'appeler Janine, ça fait un peu vieillot.
Après ça me fait aussi penser à Janine Lindemulder l'actrice porno qui pose sur la pochette de Enema Of The State, l'album culte de Blink-182.
Mais attends, Flauquet...c'est le nom de la petite vielle du rez-de-chaussée! Et ça m'étonnerait qu’elles soient de la même famille, elle se moque de moi.
"Haha très drôle. J'ai failli me faire avoir! Alors comment tu t'appelles?
"Virginie, mais ne t'avise pas de m'appeler Ninie!"
"Enchanté Virginie."
La discussion suit son cours naturellement avec beaucoup d'humour et d'affinité.
Pour éviter de vous ennuyer, je vous en épargne les détails et le surplus d'intimité.
Des SMS nous passons aux réseaux sociaux puis à l'appel téléphonique.
Tout cela s'enchaine si naturellement.
C'est quand même très bizarre d'avoir une relation à distance alors que nous sommes si près à tel point que l'on peut se regarder et se faire coucou à travers nos fenêtres respectives.
Paradoxalement, cette situation semble nous rapprocher, alors qu'on n’aurait jamais osé se parler auparavant.
La vie est étrange parfois.
Avec Virginie on a même envisagé de franchir le pas, de se rapprocher...physiquement.
Mais quelque chose semble la bloquer, j'imagine que c'est sa profession.
Ha oui, vous ne savez pas, normal puisque je vous ai épargné les détails de nos conversations.
Je vais donc vous faire un topo sur Virginie : 25 ans, infirmière, végétarienne (c'est presque un miracle pour moi, même s’il y en a beaucoup maintenant), originaire du sud elle a quitté sa province pour un travail en région parisienne comme beaucoup.

Avec tous ses rires et cette complicité, je ne me rends plus du tout compte du temps qui passe à tel point qu'il m'arrive d'en oublier parfois de manger.
Je prépare mon diner - oh rien de bien gastronomique, juste des pâtes bolognaises façon végétarienne, pas compliquée il suffit juste de remplacer la viande par du haché végétal - et pendant que ça mijote je mets en place mon matériel pour la chanson de ce soir.
Ma version coronavirus de Where is my mind de Pixies.
"Cette reprise est dédicacée aux personnels hospitaliers qui se démènent pendant qu'on mange des chips sur notre canapé.
À ceux qui se gardent bien de faire don de leurs masques aux soignants et qui préfèrent s'en servir pour faire leurs courses. Merci à vous!"
Je lance un petit clin d’œil à Virginie et commence à jouer.

"Ooh, stop
Where're Eggs, toilette paper, pasta, rice ? I can't found!
Trying to do my job while stupids gets out.
You need to jog out ?
But you never did
and only think 'bout yourself!
Where is my mask ?
where is my mask ?
where is my mask?
Way out in the coldroom see them dying."

En mangeant je regarde "Quarantined Cutie", cette vidéo "tik tok" qui fait le buzz en racontant la rencontre d'un couple de New-Yorkais pendant la crise sanitaire.
Si vous ne l'avez pas vu, je vais essayer de vous l'a résumer :
Un mec se fait chier alors il regarde par la fenêtre cette fille danser sur un toit, il l'a salue de la main et elle lui répond. Alors il décide de rentrer en contact avec la jeune femme en écrivant son numéro de téléphone sur un bout de papier qu'il scotche sur son drone. Ouais je sais, ça fait un peu début de film porno. Désolé, le confinement, la distanciation sociale, tout ça me travaillent apparemment.
Et donc ils s'échangent des SMS et vont même jusqu'à dîner en tête à tête...via "facetime". Lui sur son balcon et elle sur le toit de son immeuble.
Après ce premier rendez-vous galant, l'homme décide alors de donner rendez-vous à sa prétendante dans la rue et va redoubler d'ingéniosité pour braver les règles sanitaires en se glissant dans une bulle gonflable géante. Cette chouette petite vidéo me rendrait presque jaloux de ne pas avoir eu l'idée avant son auteur. Elle est presque aussi réconfortante que ce plat de pâtes que je suis en train de manger. Je pourrais en manger tous les jours! Ça tombe bien, car comme à mon habitude j'en ai encore beaucoup trop fait. Et je sens déjà que la digestion va précipiter mon sommeil, ça tombe bien Virginie doit se coucher tôt à cause de son service de demain. On s'envoie quelque "mèmes" par message et nous nous endormons comme des ados, virtuellement l'un à côté de l'autre.

Le matin au petit dej, en me servant avec le paquet de céréales je fit la désagréable découverte qu'il était vide. À qui aurais je pu en vouloir d'autre qu'à moi ?
C'est avec la peur au ventre et surtout la faim que je me prépare pour aller faire les courses.
Gants, masque et lunette de soleil, hélas les apparences sont trompeuses, je ne m'habille pas pour faire du ski. La queue pour entrer dans la galerie marchande s'étend jusqu'au bout de la rue.
Des panneaux semblent indiquer que si vous êtes membres du personnel soignant ou des forces de l'ordre alors vous êtes prioritaires. Enfin en plus des personnes handicapées et des femmes enceintes, bien sûr. Il fallait s'y attendre, vous trouverez toujours des gens sans scrupules pour gruger la file d'attente soit en utilisant un fauteuil roulant ou des obèses qui n'ont pas de grossesse. Dans ce Nouveau Monde libre non binaire, je m'attends même à voir un fhomme débarquer et me passer devant. Mais la palme de la supercherie revient aux enseignes de la grande distribution, "les supermarchés" qui non content d'augmenté indécemment leurs prix (ou plutôt d'ajuster leurs marges directement) sur les produits de première nécessité (allant de l'hygiène au produit laitier) contrôle systématiquement ses clients qui utilise la zappette. Ainsi appliqué, ce service perd toute son utilité.
Et dire que ça été crée pour faire gagner du temps et pourrait dans le cas présent aider à limiter le plus possible les interactions.
Quand on y pense, c'est quand même le comble : le voleur qui vous soupçonne.
Auchan, ils cultivent le mépris de la sécurité de leurs employés (sans compter la fameuse prime qu'ils n'auront pas) et de leurs clients en les surexposant au virus.
Faire ses courses est devenu une véritable partie de" Dead Rising".
Avec tous ces zombies indisciplinés qui rodent dans les rayons l'air hagard, et qui se jettent sur les denrées d'une palette laissée par un magasinier qui revenait pour la déballer.
Et quand vous pensez en avoir fini avec tout ça, il faut encore faire la queue pour passer en caisse.
Si avant la crise sanitaire faire vos courses le samedi relevait du calvaire, maintenant c'est devenu un enfer. Je n’aurais jamais cru un jour avoir peur en faisant mes courses.
Comme pour rajouter à ce climat anxiogène, Virginie ne m'a pas répondu de toute la matiné.
Rationnellement, je sais qu'elle est trop occupée au travail pour m'écrire, mais cela me fait un petit pincement au coeur. Ou plutôt comme une compression de la cage thoracique.
Rien de grave, c'est pas le virus, juste le stress des courses et le confinement qui commence par m'oppresser, j'imagine, peut être même la faim.
Pour remédier à cela, rien ne vaut un bon plat de pâtes bolognaises "végé" de la veille, c'est encore meilleur je trouve quand c'est un peu sec et tiède.
C'est tellement réconfortant de manger un plat comme celui-ci dans un moment pareil.
Je verse le tout dans une poêle et tandis que cela cuit, je lance une partie de rainbow 6 sur la PS4.
Absorbé par mon jeu vidéo, j'en oublie mon repas sur le feu et c'est le détecteur de fumée qui vient à me le rappeler. J'enlève la poêle de la gazinière et sers le tout dans un de ses gros bols que j'affectionne. C'est étrange je ne sens pas l'odeur de grillé.
Je m'installe sur le canapé et mange penché sur ma table basse tout en regardant netflix.
À chaque bouchée je me demande si je sens bien le gout, des aliments que je mange.
Mais je crois que si je me pose la question c'est que quelque part, j'ai déjà la réponse : "je n'ai plus de goût ni d'odorat". Tout cela n'a plus de saveur. Est-ce plus une sensation (ou plutôt son absence olfactive) qu'un sentiment? Sinon, une réaction psychosomatique, qui matérialiserait mon manque de Virginie?  Suis-je en train de devenir dépressif ? Ou dépendant affectif? Peut-on être hypocondriaque pour des maladies mentales ? À moins que ce soit encore plus grave que je ne le craignais et qu'il s'avère que j'ai simplement perdu le gout...de la vie?

Je suis fatigué, j'ai comme une barre au front, une migraine me guette et une sieste s'impose.
C'est peut-être à cause des écrans ou du corona. On verra, je vérifierais ma température.
Il fait très chaud, plus de 25 degrés.
Mes fenêtres sont ouvertes et mes volets mi-clos. Les gosses de la résidence qui hurle en jouant dans leurs jardins, les voisins qui téléphonent sur leurs putains de balcons, tout ça résonne et m'empêche de me reposer convenablement. Et d'un coup un petit orage de chaleur éclate, tout le ferme sa grande gueule, le silence et la fraicheur reviennent comme par magie. J'aurais presque envie de faire la danse de la pluie, pour célébrer ça, mais je suis trop fatigué.

Il est 20h et je n'ai toujours pas de nouvelle de Virginie.
Son volet est resté ouvert toute la journée, mais je ne l'ai pas aperçu, ni avant ni maintenant pour notre rendez-vous quotidien.
Ce soir, pour coller à mon humeur du jour, j'ai choisi de jouer "Stay away" de "Nirvana".
J'avais pensé à "symptom + cure" de "Comeback Kid", j'abandonne cette idée par peur que le voisinage me jette des tomates ou de faire sauter le pacemaker de la petite vieille du rez-de-chaussée.
Déjà que mon avion en papier a du faire monter sa pression.
La nuit tombe progressivement sur la résidence.
Seules, les fenêtres des appartements sont éclairées par les lueurs des télévisions allumées et des musulmans qui fêtent le ramadan.
Avec ma lampe torche je balaie le faisceau lumineux sur les vitres de Virginie sans aucun signe de vie, hormis son chien qui intrigué gratte la porte-fenêtre en aboyant.
Je tenterais bien d'escalader les 2 étages jusqu'à son balcon tel un "Roméo" qui rejoindrait sa "Juliette". De même que je pourrais envoyer des cailloux sur ses vitres, mais ça risquerait de faire des éclats de verre et les voisins appelleraient la police en pensant que je sois un cambrioleur.
Raisonnable, je préfère utiliser mon pistolet nerf avec ses flèches en mousse qui n'abimeront pas les carreaux.
Les questions se bousculent et s'accumulent dans mon esprit : est-elle tombée malade au boulot ou fait-elle juste des heures sup?
Ou s'est-elle fait agresser par la horde de toxicos qui rodent à côté de son travail ?
J'ai lu quelque part que des vigiles étaient obligés d'escorter les soignants de l'hôpital Lariboisière à cause de ces zombies junkies.
Et dire que certains politique de gauche ont émis le souhait de les faire tester et de leurs distribuer des masques prioritairement alors que nos soignants, nos pompiers et nos forces de l'ordre n'en disposent pas suffisamment pour accomplir leurs tâches.
Apparemment on n’a pas le même sens des priorités et clairement, la vie de quelques parasites sociaux me semble dispensable.

Là, perché sur ma fenêtre, mon mirador de fortune (il me manque toujours les jumelles), je l'attends comme si j'étais un labrador.
N'empêche que ça ferait de belles paroles de chanson.
Au beau milieu de la nuit, je vois la lumière du hall éclairer la cour intérieure, c'est Virginie qui arrive enfin. J'ai envie de lui sauter dessus et de la réconforter de cette éprouvante et interminable journée de travail qu'elle a dû enduré. Au lieu de ça, je l'observe tapi dans l'obscurité quand je reçois un SMS bruyant de sa part qui éclaire mon visage. Je suis démasqué, je lui fais un signe de la main et elle rigole.

Ce matin j'ai décidé de me lever tôt pour lui préparer le petit déjeuner, ou plutôt le lui déposer devant sa porte.
Je suis passé à la boulangerie lui acheté des viennoiseries, lui ai fait coulé un café au lait dans un thermos, puis j'ai emballé le tout dans un sac en papier et accompagné d'un petit mot mignon.
Une fois réveillée, elle m'appelle pour me remercier de l'attention et pour s'excuser de ne pas avoir pu me donner de nouvelle hier.
Elle me confie qu'elle a passé une des pires journées de sa vie, une véritable hécatombe.
Dans le même moment, je lis voit sur la télévision restée allumé, le bandeau d'information qui défile et confirme ce qu'elle me raconte au téléphone.
Hier était le plus gros bilan de mort journalier.
Virginie n'a pas parvenue à trouver le sommeil de la nuit.
En état de choc, elle ne pouvait s'empêcher de revoir mentalement défiler toutes ces civières et ces brancards pleins de cadavres qui sont conduit de la réanimation à la morgue et aux chambres froides, qui s'entasse dans les couloirs ou pire que tout dans remorques de camion frigorique.
Ne sachant quoi répondre et voulant la réconforter, je lui propose de se rejoindre en dehors de la résidence pour discuter et de s'assoir sur un banc au soleil.
Tout en respectant la distanciation sociale de rigueur, je tiens à le préciser.
À sa voix, je sens qu'elle en a envie autant que moi, mais que quelque chose semble la déranger.
Les mots dans sa bouche finissent par matérialiser ce que je redoutais.
Virginie ne veut plus qu'on se voie...physiquement, du moins avant que la crise sanitaire ne soit finie.
Bien que cela soit trop tentant et c'est aussi trop dangereux pour moi me dit-elle.
Inquiète, elle ne cesse de me répéter : "ce n'est pas une petite grippe ni une MST, c'est bien plus grave et virulent que ce que l'ont croit".
Et je ne s'aurais dire si ce sont mes arguments tendant à la rassurer ou sa volonté de se faire convaincre qui l'a décida, mais nous finissons par nous retrouver à l'extérieur.

C'est la première fois que nous nous rencontrons en vrai.
Bien sûr, ce n'est pas comme si nous étions de parfaits inconnus avec toutes ses conversations téléphoniques et sur les réseaux sociaux.
Mais la voir en vrai, sentir l'odeur de son parfum et pratiquement pouvoir la toucher...me décontenance.
J'en perds mes moyens, je me surprends même à bégayer et à trembler par moment.
Virginie, trouve sa mignon.
Pour moi, c'est plutôt embarrassant, mais si cela lui plait je ne vais pas m'en plaindre.
En me regardant droit dans les yeux, elle me murmure "ce serait bien d'avoir un peu d'intimité".
Je ne suis pas sur d'avoir bien entendu, peut être parce qu'elle l'a chuchoté/susurré.
À mes oreilles cela a raisonné comme un "j'ai envie de toi".
En essayant de rassembler toute mon assurance, je lui bredouille "Mais comment faire en respectant les règles d'hygiènes et de santé?" Virginie me lance un clin d'oeil, et me fait signe du doigt.
"Suit moi, j'ai une idée."

De sa main gantée elle prend la mienne et me guide/conduit jusque devant la porte de son appartement. Là, dans ce couloir nous nous déshabillons.
Excité, j'avoue avoir un peu de mal à retirer mon pantatalon à cause de mon érection.
Pas le temps d'enfermer dans un sac nos vêtements, nous les laissons sur le palier.
Je continue de la suivre et elle me conduit vers la salle de bain. Elle m'invite à entrer dans la baignoire. Nous découvrons nos corps nus ruisselant sous l'eau du pommeau.
Je commence à la savonner, caresse sa peau avec la fleur de douche et je vais pour l'embrasser quand celle-ci tourne la tête dans l'autre sens/évite mon étreinte/a un mouvement de recul.
Virginie attrape sa serviette et se sèche en m'expliquant que l'on doit prendre nos précautions.
Elle ne veut pas me contaminer et je ne veux surtout pas partir, alors je n'ai plus qu'à écouter la solution qu'elle suggère pour assouvir nos pulsions.

Je découvre son grand studio, agencé de façon à séparer le coin-cuisine de la partie chambre où nous nous installons. À moitié dénudée, elle s'allonge sur le lit tandis que je m'assois sur le fauteuil qu'elle me désigne. Nous nous caressons, nous masturbons sans jamais toucher l'autre, à distance en s'observant. Elle fouille sous son oreiller et me balance un truc sur le torse.
Surpris, je constate qu'il s'agit d'une télécommande...pour un sex-toy connecté.
C'est donc ça le futur? Moi, en Luke Skywalker nettoyant son sabre laser devant un hologramme sexy de princesse Leïa. Non, c'était pour la vanne, honnêtement ce serait plus proche de "Démolition man" avec sa scène de sexe virtuelle sans contact charnel.
Mon excitation luttant contre mes aprioris négatifs, je la regarde se caresser et élargir sa cavité pour y insérer ses doigts puis l'objet. Elle me dévisage, un sourcil relevé en s'écartant les lèvres comme pour me montrer toute l'excitation qu'elle cacherait à l'intérieur. Jusque là, je pensais que pour déterminer ce qui est réel, le toucher était indispensable et le concret devait être palpable.
Mais je me trompais.
Aujourd'hui, je ne découvre pas seulement une nouvelle partenaire, mais une toute nouvelle façon de faire l'amour. Et le sexe ne m'a jamais paru aussi intense que maintenant avec elle.
Tout est plus érotique, l'exaltation est exacerbée. Nous jouissons comme jamais je ne l'aurais imaginé.
Son chien comateu dans son panier, ouvre partiellement un oeil à chaque gémissement de sa maîtresse puis se rendort comme si de rien n'était.
C'est étrange de ne pas l'embrasser ni de la toucher. J'aurais presque l'impression d'être avec une prostituée, une camgirl ou une fille qui aurait de l'herpès à la différence que j'ai des sentiments pour elle.
Tandis que je m'essuie, elle allume la télé.
Une chaine d'information en continu diffuse des images de manifestations anti-confinement aux USA. Bande de covidiots! Je suis sidéré par tant de bêtise. Remarque, en France les gilets jaunes et les pues la pisse de tout horizon s'impatiente à l'idée de pouvoir reprendre leurs sports national : l'ivresse publique en manifestations.
Allez-y, vous pouvez bien crever pour votre fichue liberté, mais ne demandez pas à ce que l'on vous soigne après. C’est pas comme si ce n’était pas déjà le cas avec ce fichu 2nd amendement, ces armes que vous chérissez vous tuent plus qu'elles ne vous protègent. Après tout quand on sait que ce sont les mêmes personnes qui ont voté pour un président qui suggère sérieusement d'injecter de la javel et de faire des séances d'UV pour guérir les malades. J'imagine qu'ils ont les dirigeants qu'ils méritent.
Là bas, certains organisent même des "covid party", où de jeunes insouciants se soulent (ne sont-ils pas suffisamment abrutis en temps normal?!) et se transmette le virus, espérons qu'ils deviennent avec ça les derniers abrutis de leurs lignées.
Évidement, vous avez tout et sont opposé, comme le montre le reportage qui suit sur ces mairies espagnoles qui ont javellisé leurs plages...La bêtise humaine semble sans limites.
J'arrête de regarder, cela m'énerve de trop et il faut que je me prépare pour la chanson de ce soir.
Nous récupérons nos vêtements sur le palier de sa porte, nous rhabillons et regagnons mon appartement. La chanson de ce soir est une reprise d'Oasis.

Today is gonna be the day
That they're gonna throw it back to you
By now you should've somehow
Realized what you gotta do
I don't believe that anybody
Feels the way I do, about you now
Backbeat, the word was on the street
That the fire in your heart is out
I'm sure you've heard it all before
But you never really had a doubt
I don't believe that anybody
Feels the way I do about you now
And all the roads we have to walk are winding
And all the lights that lead us there are blinding
There are many things that I
Would like to say to you but I don't know how

Because maybe, you're gonna be the one that saves me
And after all, you're my hospital.


Partout, ils annoncent le déconfinement pour la date du 11 mai comme si c'était le jour de la libération. Le virus ne va pas disparaitre du jour au lendemain parce que nous l'avons décidé par décret. Certes, chaque jour, des malades guérissent tandis que des nouveaux (qui n'ont pas leur chance) continuent d'être admis en réanimation. D'autres décèdent sans avoir de funérailles décentes.
Face à tout ça, j'ai perdu mon optimiste habituel. Je ne sais pas si nous pourrons un jour reprendre une vie "normale" mais j'ai conscience de ma chance, quand maintenant, vient 20h le soir et que nous chantons l'espoir et la tristesse à l'harmonie.
Je ne suis plus tout seul, non, nous sommes trois, moi, elle et...non ce serait trop beau, elle n'est pas enceinte. Non, la troisième personne, vous le savez depuis le début, c'est vous.
Ceci n'est pas un "happy end", tout ça n'existe que dans ma tête. Bien sur que ma charmante voisine d'en face est bien réelle mais elle ignore totalement mon existence.
La vérité ? C'est que le confinement et la solitude ont eu raison de ma santé mentale.
Et pour être tout a fait franc, je pensais que la folie me guetterait bien plus tard, dans quelques décennies, comme toutes les personnes âgées et seules qui finissent leur vie à Paris.
A ce propos, une odeur nauséabonde remontant des canalisations et de la VMC m'interpelle.
Ma première pensée met en cause la vaisselle qui s'entasse dans l'évier ou la poubelle qui déborde mais une fois tout ceci rangé et nettoyé l'odeur persiste dans mon appartement. Ce n'est que lorsque je descends au local à ordures, en voyant les pompes funèbres embarquer le corps de ma vieille voisine du bas, que je comprends d'où la puanteur provenait. Mon téléphone portable se met à sonner dans ma poche, toujours au bon moment. C'est surement un énième appel de ma psy, elle fera comme ma mère avant elle...Sur mon répondeur, il n'y a qu'elles qui me laissent des messages.
J'imagine que cette fois c'est pour me faire penser à renouveler mon ordonnance et mon traitement.